Denali

⭐⭐⭐⭐

Le mardi 4 juin 2019, Cynthia Hoffman, 19 ans, est retrouvée morte, ligotée et bâillonnée dans la rivière Eklutna en Alaska. Elle a été abattue d’une balle dans la nuque. Les derniers à l’avoir vue sont Denali Brehmer, 18 ans, et Kayden McIntosh, 16 ans. En les interrogeant, les détectives Jessica Hais et Lenny Torres vont mettre à jour une sordide histoire dont les adolescents sont autant victimes que coupables.

Une série Netflix au théâtre, vous pensez que c’est impossible? C’est pourtant l’exploit que réalise « Denali ». Dès les premières minutes, on comprend qu’on ne va pas assister à une pièce « classique ». Générique d’ouverture, découpages en épisodes, récapitulatif: tout le fonctionnement des plateformes de streaming est transposé sur scène avec un brio rare. Cette transposition n’est jamais gadget: elle structure le récit, apporte du suspense, relance l’attention et donne l’impression grisante de binge-watcher un thriller en direct.

La pièce revient sur l’enquête qui a suivi le crime atroce perpétré par des adolescents contre l’une de leurs amies. Inspiré d’une histoire (malheureusement) vraie, ce polar théâtral vous tient en haleine de la première à la dernière minute. Les révélations s’enchaînent comme dans une enquête journalistique, et l’on ne voit pas le temps passer.

Ce qui impressionne surtout, c’est l’ingéniosité de la mise en scène. Les changements de décor sont instantanés, la scénographie joue des écrans, des projections et d’un savant jeu de lumière pour créer plusieurs espaces dans un même plateau. La mécanique est si précise qu’on a l’impression de regarder une saison entière d’une série, mais avec la puissance et l’émotion du direct.

Petit bonus: toute la musique est interprétée en live. Ce choix donne une tension supplémentaire aux scènes et crée un lien sensoriel direct avec le public. Glaçant à souhait, mais aussi extrêmement efficace.

Les amateurs de « Faites entrer l’accusé », « Chroniques criminelles » ou de true crime en général seront comblés, mais même les spectateurs moins familiers du genre ne peuvent qu’être bluffés par la maîtrise technique et narrative de ce spectacle hors norme. Denali est un spectacle qui offre une proposition originale et extrêmement intéressante.

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Big Mother

⭐⭐⭐⭐

Alors qu’un scandale éclabousse le Président des Etats-Unis et agite la rédaction du New York Investigation, la journaliste Julia Robinson voit sa vie vaciller dans la salle d’audience d’un tribunal quand elle croit reconnaître sur le banc des accusés son compagnon mort 4 ans auparavant.
Son enquête pour élucider ce mystère croise celle de son équipe, et la petite cellule du New York Investigation se retrouve confrontée à un programme de manipulation de masse d’une ampleur inédite.
Ensemble, malgré leurs différends, ils vont devoir mettre à jour le plus gros scandale depuis l’affaire du Watergate.

La démocratie est en péril. Leur vie aussi

 

Avec "Big Mother", Mélody Mourey (dont j’avais déjà énormément apprécié le travail dans "Les Crapauds fous" et "La Course des géants") signe une œuvre dense et haletante qui interroge notre rapport aux données, à l’information et au pouvoir invisible des algorithmes.

Dès les premières minutes, le spectateur est happé par un rythme qui ne faiblit jamais, à la manière d’une enquête journalistique menée tambour battant. 

L’un des atouts majeurs de la mise en scène réside dans l’utilisation permanente de la vidéo. Projections, incrustations, images en direct ou en différé : l’écran devient un personnage à part entière. Loin d’être un simple artifice, cet usage constant des images enrichit le propos, souligne la manipulation des masses par les médias et plonge le spectateur dans une expérience presque cinématographique. 

Le spectacle met en lumière la manière dont nos données, nos clics et nos habitudes se transforment en armes redoutables entre les mains de ceux qui savent les exploiter. C’est à la fois glaçant et salutaire, car il est essentiel que l’art parle de ces dérives contemporaines.

La troupe impressionne par son énergie et sa polyvalence. Six comédiens incarnent une multitude de personnages, passant de l’un à l’autre avec aisance. L’humour cinglant, utilisé avec parcimonie, apporte de véritables respirations dans une histoire aussi intense.

Big Mother interpelle, tant par son propos que par son esthétique. Mélody Mourey réussit le pari de conjuguer une réflexion sociétale brûlante d’actualité avec une mise en scène inventive et spectaculaire. C’est un théâtre qui secoue, qui alerte, mais qui captive du début à la fin.

Un spectacle de grande qualité qui, et c’est amplement mérité, fait salle comble depuis plus de deux ans.

 

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L'affaire du tueur de l'ombre

⭐⭐⭐✨

Le tueur de l’ombre est l’insaisissable meurtrier qui sévit au début des années 70 et répand la terreur dans la petite ville de Nogent-sur-Oise. Sa particularité : il ne tue que des femmes brunes en pleine nuit.

Amateurs de faits divers, ce spectacle est fait pour vous ! Connaissez-vous "Le tueur de l’ombre" ? Pour ma part, c’était une découverte, car ce criminel a sévi dans les années 70, à une époque où l’ADN n’était pas encore utilisé et où le concept même de "tueur en série" commençait à peine à émerger. Dans un tel contexte, résoudre une enquête aussi complexe relevait presque de l’impossible, surtout face à un tueur aussi méthodique.

Ce personnage a véritablement semé la terreur parmi les femmes de la région de Nogent-sur-Oise. Et il aura fallu la détermination sans faille d’un enquêteur, prêt à mettre en péril sa propre vie de famille, pour parvenir à l’identifier. C’est cette traque haletante que le spectacle nous retrace, du début à la fin.

Même si le rythme peut parfois sembler un peu lent (à la manière de l’émission "Faites entrer l’accusé"), l’histoire reste captivante et on a envie de savoir comment la vérité a fini par éclater. J’ai aussi beaucoup apprécié la mise en scène, notamment l’utilisation des ombres et de la vidéo, très réussie. Mention spéciale également pour le travail sur les costumes : les comédiens incarnent plusieurs rôles et changent de tenue en un éclair. J’ai même été surprise de constater qu’ils n’étaient que cinq sur scène ! Une belle performance, à saluer.

 

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Trésor national

⭐⭐⭐⭐

À l'aube de sa mort, Esra, icône du cinéma turc, demande à sa fille Hülya d’écrire un discours pour ses funérailles. Hülya accepte à contrecœur de replonger dans un passé qu’elle avait tenté d’oublier et se lance dans une quête de vérité sur la disparition de son père.

Inspiré du roman éponyme et brillamment incarné par une Julie Cavanna magistrale, Trésor National nous transporte dans le bouillonnement d’Istanbul des années 60, à l’âge d’or du cinéma turc. Sur un fond éminemment politique (marqué par trois coups d'État), la pièce raconte avant tout le destin d’une femme à la fois fascinante et dérangeante : une diva flamboyante, complexe, insaisissable, qui a vécu intensément sans vraiment se soucier des dégâts qu'elle pouvait causer autour d'elle. Ce drame romanesque prend une dimension émouvante à travers le regard de sa fille, qui, des années plus tard, la tient encore pour responsable de la disparition de son père. 

Le spectacle, qui nous fait vivre une large palette d’émotions, est une belle réussite. Il est servi par une distribution remarquable, une mise en scène fluide et quelques chansons magnifiquement interprétées. 

 

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La ligne rose

⭐⭐⭐

Dans le Paris des années 20, l’histoire folle de trois opératrices des PTT qui ont lancé le téléphone rose!

Quel meilleur moyen de lancer le festival qu’avec une comédie à la fois pétillante, légère, tendre et un brin impertinente ? Enfin… légère, pas tout à fait ! Derrière les apparences, un propos plus engagé émerge subtilement : celui de la condition féminine et plus largement du féminisme.

Plongés dans les années 1920, juste après l’horreur de la guerre, on suit avec plaisir les péripéties de trois femmes aussi différentes qu’attachantes. Leur quotidien, régi par par les normes de l’époque (autorité paternelle omnipotente, liberté de penser quasi inexistante, métiers subalternes) est bouleversé lorsqu’elles découvrent par hasard les défis du téléphone rose.

Le propos est audacieux : raconter l’émancipation féminine à une époque où elle semblait impossible. On rit beaucoup, on est parfois touché, et on ressort charmé par ce spectacle enlevé, drôle et bien mené.

Attention, mieux vaut éviter d’y emmener les plus jeunes, certaines scènes étant un peu... croustillantes !

 

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Le destin se moque des choix

⭐⭐⭐✨

Dans la salle d'attente des Urgences, Mathilde attend des nouvelles de son mari après un incendie, tandis que Pilar espère des réponses sur l’état de son fils après un accident. Face à la situation, elles se posent la même question : auraient-elles pu, un jour, faire un choix différent pour ne pas se retrouver ici ?

Il est difficile de définir cette pièce, tant elle alterne avec audace entre le drame et l'humour. Ce choix, pleinement assumé, peut parfois désarçonner, tout comme la construction narrative : deux histoires se déroulent en parallèle, et le spectateur passe une grande partie du spectacle à se demander comment elles finiront par se rejoindre.

J’ai, dans un premier temps, été déroutée, d’autant que le propos, souvent philosophique ("Sommes-nous réellement maîtres de notre destin ?"), ajoute une couche de complexité. Mais le final, extrêmement réussi, donne tout son sens à l’ensemble. L’écriture, fine et intelligente, se révèle assez remarquable. À la sortie, j’étais non seulement conquise par la chute de la pièce, mais aussi par la performance des comédiennes, capables de nous faire passer avec une grande justesse des larmes au rire. 

 

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Les Rochambelles

⭐⭐⭐⭐

Découvrez l'incroyable histoire vraie de la seule section féminine sur le front allié en 1944 !

Qui connaît les Rochambelles ? Très peu de monde, et certainement pas moi avant d’assister à ce spectacle. Et pourtant, quelle histoire ! Celle de trente femmes audacieuses qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, ont bravé tous les préjugés pour s'engager comme ambulancières aux côtés du général Leclerc. Ce sont leurs parcours que raconte cette pièce, écrite avec cœur par la petite-fille de l’une d’entre elles.

Le spectacle leur redonne la place qu’elles méritent dans notre mémoire collective, en rendant hommage à leur courage, leur ténacité, et à la manière dont elles ont surmonté le sexisme et les dangers de la guerre pour servir une cause plus grande qu’elles.

La mise en scène est d’une grande ingéniosité, jouant habilement avec l’espace, la lumière et les décors pour faire voyager le spectateur dans le temps, du front aux coulisses de l’armée, de New York à Paris en passant par Rabat. Chaque détail est soigné, chaque transition fluide, et rien n’est laissé au hasard. Le tout est soutenu par une distribution remarquable : les comédiens et comédiennes incarnent avec justesse des personnages touchants, drôles parfois, bouleversants souvent.

L’histoire est à la fois passionnante et profondément émouvante. On découvre des figures effacées de l’histoire officielle, et l’on se demande, presque avec indignation : pourquoi n’a-t-on jamais entendu parler de ces femmes dans les livres d’histoire ?

Le rythme est soutenu, sans temps mort. La pièce parvient avec brio à mêler récit historique, émotion et réflexion sur la place des femmes dans les conflits armés.

C’est un spectacle d’une grande intelligence, aussi nécessaire qu’émouvant. Une véritable réussite à voir absolument.

 

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Manuel de la jeune mariée 1957

⭐⭐⭐⭐

Nous sommes en 1957. À la veille de leur mariage, cinq futures mariées étudient consciencieusement un manuel de bonnes convenances qui leur distille de précieux conseils. Un joyeux témoignage du chemin parcouru.

J’ai adoré ce spectacle, car il réunit tout ce que j’aime : beaucoup d’humour, une émotion bien dosée, et surtout, un vrai propos. Ce qui m’a frappée d’abord, c’est l’intelligence de l’écriture. Sans jamais sombrer dans le militantisme ni dans la provocation gratuite, la pièce, écrite par Virginie Lemoine, se révèle profondément féministe. Sous les conseils rétrogrades du manuel, qui prônent une soumission totale des femmes à leur mari, se cache une critique fine et acérée de la société patriarcale des années 50, où la femme était reléguée au rang de faire-valoir, de ménagère ou de mère au foyer, sans autre ambition permise. Il y a de quoi être terrifié en voyant la condition des femmes il y a à peine 70 ans, mais c’est aussi porteur d’espoir : la société a évolué, même si le chemin reste encore long.

C’est brillamment écrit, c’est extrêmement drôle, et la mise en scène, précise et inventive, sert à merveille le propos. Quelques chansons viennent ponctuer le récit, portées par l’harmonie vocale des cinq comédiennes, toutes excellentes, et accompagnées en direct par le talentueux Stéphane Corbin. Pipe au bec, ce dernier s’amuse aussi à incarner, avec malice, les rares personnages masculins. 

En somme, un spectacle complet, porté par une distribution sans faille, à la fois mordant et émouvant, qui réussit à faire rire tout en faisant réfléchir. Ne vous laissez pas dérouter par les premières minutes, c'est un petit bijou à ne surtout pas manquer !

 

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Rose Royal

⭐⭐⭐⭐

Je m’appelle Rose. J’ai 50 ans. Je m’en fous, j’ai de beaux restes. Et avec les mecs, je sais me défendre. Je peux vous dire que le dernier type avec qui je suis sortie a eu chaud. Un soir, il matait le JT pendant que j’étais au téléphone. Il m’a dit :
« Mais tu vas fermer ta gueule !? »
Motif : je l’empêchais de mater Delahousse.
Et j’ai vu…La crispation sur son visage… Il allait m’en coller une. Le lendemain je m’offrais un calibre 38 et une boite de cartouche, 650 euros sur un site américain. Je m’appelle Rose. J’ai 50 ans. La peur doit changer de camp.

Adapté du roman éponyme, Rose Royal est un seul en scène intense, porté avec brio par une comédienne absolument bouleversante. Sur scène, seule, Anne Charrier incarne Rose, une femme d’une cinquantaine d’années, libre, indépendante, célibataire assumée et moderne.  Jusqu’au jour où elle croise la route de Luc, un homme apparemment sans histoire. Mais derrière les apparences se cachent parfois des pièges, et Rose, malgré sa lucidité, va peu à peu se retrouver embarquée dans un engrenage qu’elle s’était pourtant juré d’éviter.

Je ne connaissais pas Anne Charrier avant ce spectacle, et j’ai été littéralement scotchée par la puissance de son interprétation. Son jeu est d’une justesse et d’une retenue remarquables. Dans un seul en scène, les acteurs peuvent parfois  se laisser emporter dans un flot de paroles, mais ici, chaque mot trouve sa place, chaque silence résonne. On sent chez elle une vraie intelligence du texte et une capacité rare à transmettre les nuances d’un personnage complexe. Le texte est à la fois brut, sensible, et plein de sous-entendus. L’histoire prend son temps, installe une tension jusqu’à un final percutant, que je n’ai, personnellement, pas vu venir et qui m’a littéralement saisie.

Cette pièce n’est pas à mettre devant tous les yeux. Certains passages sont violents voire dérangeants. Ce n’est pas un spectacle confortable. Et pourtant, j'ai été suspendue aux lèvres de la comédienne du début à la fin. Rose Royal est de ces spectacles qui bousculent, qui dérangent. Il ne laissera personne indifférent, et c’est là, sans doute, sa plus grande force.

Petite recommandation: il se joue en extérieur, attention aux moustiques.

 

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Y'a de la joie

⭐⭐⭐✨

Avant ça, j’avais essayé le bonheur avec un grand B : celui d’Instagram, des citations inspirantes et des méthodes de développement personnel. Résultat : j’ai coché toutes les cases… sauf celle du bonheur. Alors j’ai tenté de comprendre. J’ai lu, testé, et fait des rencontres… étonnantes ! Et je vous embarque dans cette quête drôle, sensible, et surtout joyeuse !

Michael Hirsch, c’est ce type doux, drôle et terriblement attachant qu’on a instinctivement envie d’écouter. Alors, difficile de résister à l’appel de son nouveau spectacle. Figure désormais familière du public avignonnais, il revient avec un seul en scène à la fois profond, tendre et délicatement drôle. Révélé au grand public notamment grâce à son rôle marquant dans Le Montespan, il confirme ici toute l'étendue de son double talent : c'est un excellent comedien et un auteur à la plume fine et intelligente. Dans ce spectacle, sans doute le plus personnel de sa carrière, Hirsch délaisse en grande partie les jeux de mots qui faisaient sa marque pour s’interroger sur une question aussi universelle que vertigineuse: "comment trouver (ou retrouver) la joie de vivre?". Le propos, nourri de vraies recherches scientifiques et philosophiques, est accessible. On rit souvent, on sourit beaucoup. Certains passages gagneraient peut-être à être plus resserrés, mais ces légers flottements n’entament en rien la sincérité du propos. Il en ressort une belle envie de savourer les petites choses, d’ouvrir nous aussi un petit carnet… Bref, de vivre.

 

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Le malade imaginaire

⭐⭐⭐⭐

Tout le monde connait Le Malade Imaginaire, l’oeuvre ultime de Molière. Enfin, c’est ce qu’on croyait !

Voilà maintenant deux ans que je suis avec attention le travail de Tigran Mekhitarian, depuis cette soirée marquante au théâtre des Beliers où sa performance m’avait bluffée dans La Maladie de la famille M. L’an dernier, sa version de Dom Juan avait été l’un de mes spectacles favoris du festival, c’est donc avec une impatience certaine que j’attendais son Malade Imaginaire. Et le possessif est ici pleinement justifié : une fois encore, il s’empare du texte de Molière avec audace et intelligence pour en livrer une version très personnelle et résolument contemporaine.

Le texte original est respecté dans ses grandes lignes, mais habilement dynamisé par des clins d’œil modernes, quelques envolées familières qui font toujours leur effet et des touches de rap distillées avec parcimonie. À travers ce mélange des genres, c’est tout l’amour de Mekhitarian pour Molière et la langue française qui transparaît. Sa volonté de rendre le théâtre classique accessible à tous, y compris aux plus jeunes, est plus qu’évidente.

La réussite de ce Malade Imaginaire repose aussi sur une distribution sans faute. Tigran Mekhitarian, en plus de sa mise en scène inventive, incarne Argan  et parvient à conjuguer humour, fragilité et dérision avec intensité et aisance, tout en laissant à chacun de ses partenaires l’espace de s'exprimer pleinement.

Certes, l’effet de surprise était un peu moins fort que l’an passé, mais cette nouvelle proposition reste brillante. Ceux qui découvriront son univers pour la première fois seront sans doute aussi étonnés que séduits. 

Un brin de provocation, beaucoup d’inventivité, et surtout un immense respect du texte original : c’est ce savant dosage qui fait (et continuera sans doute longtemps de faire) le succès de ce talentueux metteur en scène.

 

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Fin, fin et fin

😳😳😳😳

La folle aventure de trois ami.e.s qui sont allé.e.s pique-niquer pendant la fin du monde.

Je crois bien avoir assisté au spectacle le plus indescriptible de ce festival. Une expérience théâtrale déroutante, excessive, absurde et profondément singulière. Le genre de proposition qui divise, qu'on adore ou qu'on déteste, mais qui ne laisse pas de marbre. Impossible pour moi de lui attribuer une note, mais tout aussi impossible de ne pas en parler.

Les comédiens, jeunes et talentueux , déploient une énergie hallucinante. Ils se jettent dans cette histoire avec un mélange de folie assumée et d’intelligence comique. C’est surprenant, souvent absurde, mais drôle, vraiment drôle.

Quant à l'histoire… que dire ? Avec "Fin, fin et fin", l’auteur ne se contente pas de bousculer les codes du théâtre, il les piétine. Ce spectacle ne ressemble à rien de connu. Peut-être même ne ressemble-t-il à rien du tout. Et pourtant, c’est d’une précision remarquable, foisonnant de trouvailles, d’humour, de chaos savamment orchestré, et d’une certaine profondeur malgré les apparences. 

Alors oui, certains spectateurs resteront totalement hermétiques à cette proposition radicale. D’autres y verront un coup de génie. Mais une chose est certaine: "Fin, fin et fin" ne laissera personne indifférent.

 

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Le miracle des grenouilles

⭐⭐⭐✨

Trois sœurs se retrouvent pour une soirée dans la maison de leur enfance. À l’étage, leur mère délirante ne parle plus qu’à des singes et à un mystérieux saint oublié. Aucune des sœurs ne semble vouloir monter l’escalier qui mène à sa chambre. Alors on boit, on parle, on hurle, on esquive. Entre visions mystiques, règlements de comptes, vieilles chansons et corps qui lâchent, la tragédie prend des airs de comédie (ou l’inverse).

Décidément, le Théâtre des Béliers ne recule devant rien cette année et ose une programmation aussi éclectique qu’ambitieuse. "Le Miracle des grenouilles" en est une belle démonstration. Une mère malade, trois sœurs, des non-dits, des rancœurs : sur le papier, le sujet semble classique, presque déjà vu. Et pourtant, la pièce surprend par sa finesse d’écriture, son humour noir bien dosé et une mise en scène inventive.

Ce qui fait la force du spectacle, c’est ce subtil équilibre entre tension dramatique et humour. On rit, on est tantôt mal à l’aise, tantôt ému, mais on reste toujours suspendu à leurs lèvres. Les comédiennes, toutes extraordinaires, livrent des performances intenses, habitées, qui donnent vie à cette famille bancale et touchante. Elles ne jouent pas, elles incarnent leur personnage. À tel point qu'on en vient parfois à croire que certains moments sont improvisés, tant les dialogues semblent naturels.

Il y a dans cette pièce un grain de folie réjouissant, une liberté de ton qui détonne et qui pourra peut-être désarçonner certains. Mais pour tous ceux qui aiment un théâtre vivant, audacieux et sensible, c’est une vraie réussite.

 

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Les Goguettes : troisième quinquennat

⭐⭐⭐⭐

Après 2 ans de tournée et un Olympia complet à Paris, Les Goguettes reviennent au Festival OFF avec leur nouveau spectacle !

J’avais découvert Les Goguettes (en trio mais à quatre) il y a quelques années à Avignon, totalement par hasard. À l’époque, peu de gens les connaissaient et je n’en avais jamais entendu parler. J’avais été bluffée par leur originalité, leur humour et leur talent. C’était avant le confinement, avant leur explosion médiatique grâce à leur reprise de "Vierzon" qui les a révélés au grand public. Depuis, leur ascension ne s’est jamais arrêtée : tournées à guichets fermés, Olympia et grandes salles parisiennes, le succès est au rendez-vous, et il est amplement mérité.

Mais au fait, c’est quoi une goguette ? C’est l’art de détourner une chanson connue en en réécrivant les paroles, souvent pour commenter l’actualité avec mordant et irrévérence. Et dans ce domaine, ils excellent.

Je l’avoue, je suis arrivée déjà conquise. Mais même en connaissant leur univers, j’ai été impressionnée. Leur nouveau spectacle est une démonstration de leur talent à tous les niveaux. Les textes sont finement écrits, brillants, intelligents et pleins d'autodérision. Ils chantent, ils jouent de la musique, ils nous font rire et ils le font avec une énergie communicative.

Même si j'adresse une mention spéciale à Clémence Monnier, virtuose du piano, dont les doigts dansent littéralement sur les touches, c'est bien l’ensemble du quatuor qui fonctionne à merveille. Leur complicité, leur sens du rythme, leur aisance scénique... tout est maîtrisé.

Le plus bluffant reste peut-être leur réactivité face à l’actualité. Entre le divorce Trump/Musk, les 40 milliards d’économies à faire ou encore les multiples clins d'œil à Avignon, certaines chansons ont manifestement été réécrites pour l’occasion, preuve d’un travail d’adaptation impressionnant. Et surtout, personne n’est épargné : la droite, la gauche, les écolos... chacun en prend pour son grade, et c’est ce qui rend le spectacle universel.

En résumé : un pur moment de bonheur, d’intelligence et de rire. Idéal pour clore une journée au Festival. Mais attention : les places partent vite. Ne traînez pas.

 

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La fleur au fusil

⭐⭐⭐

Quand son petit-fils l’interroge sur sa vie, Céleste, émigrée portugaise en France, convoques-en sa mémoire les souvenirs passés de sa jeunesse muselée par la dictature de Salazar…

Dans La Fleur au fusil, on découvre un pan de l’Histoire portugaise souvent méconnue: la Révolution des Œillets. Ce seul en scène, aussi touchant que vibrant, nous plonge dans le récit d’une grand-mère à son petit-fils, à qui elle révèle, avec tendresse, qu’elle a joué un rôle décisif dans cette révolution aux côtés de son futur mari.

La mise en scène, quasi chorégraphiée, est d’une grande fluidité et les transitions s’enchaînent avec élégance. 

Mais c’est surtout la performance du comédien qui impressionne. Seul sur scène, il incarne avec une aisance remarquable une galerie de personnages sans jamais tomber dans la caricature. Il passe d’un rôle à l’autre avec une précision bluffante. Il nous fait rire, nous touche, nous captive.

La Fleur au fusil est un bel hommage à ces héros anonymes qui changent le cours de l’histoire. Un spectacle simple, intelligent et profondément humain.

 

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Le chant des lions

⭐⭐⭐⭐✨

Les histoires d’amour finissent souvent mal. Mais certaines changent le cours de l’Histoire.

1933. Germaine Sablon, l'une des chanteuses les plus populaires de la capitale, se produit dans un cabaret. Dans le public se trouve Joseph Kessel, journaliste, auteur, aviateur et aventurier. Leur coup de foudre est immédiat mais la guerre arrive et transforme la vie de ces deux amants.

Aujourd’hui, toutes les chansons de Germaine Sablon sont tombées dans l’oubli... Toutes, sauf une. celle qu’ils ont créée ensemble : Le Chant des partisans.

Mon premier véritable frisson du festival, je l’ai ressenti lors de la scène finale du "Chant des lions". Une scène intense, à la fois sobre et bouleversante, qui vient clore un spectacle brillant qui, dès les premières minutes littéralement emportée.

Il faut dire que tous les éléments étaient réunis pour me séduire: un récit historique passionnant, une mise en scène signée Charlotte Matzneff, et un texte coécrit par Julien Delpech et Alexandre Foulon, duo d'auteurs que j’avais déjà adoré dans Les Téméraires. Mais "Le Chant des lions" ne se contente pas de cocher les bonnes cases, il va au-delà. 

J’ai absolument tout aimé dans cette pièce. Les comédiens sont remarquables de justesse et la voix de Vanessa Cailhol, à elle seule, pourrait résumer l’émotion de ce spectacle: douce, vibrante, chargée de douleur et d’espoir.  L’histoire, qui mêle faits réels et fiction romanesque, est aussi instructive que haletante.

La mise en scène est, à mes yeux, le travail le plus abouti de Charlotte Matzneff. L’espace est exploité avec intelligence et chaque déplacement semble chorégraphié avec précision. Mais ce qui rend ce spectacle véritablement unique, c’est l’utilisation du talent de Mehdi Bourayou. Ici, pas de bande-son enregistrée : il crée en direct la musique et les bruitages, grâce à une multitude d’objets sonores technologiques, tout en interprétant plusieurs rôles. C’est une performance discrète mais essentielle, qui rend ce spectacle totalement unique.

Mêlant Histoire, aventure, amour, drame, suspense, et même cabaret, "Le Chant des lions" nous plonge dans la Seconde Guerre mondiale à travers une fresque sensible et passionnante. Le public ne s’y trompe pas : la salle est comble à chaque représentation. Un spectacle magnifique que je recommande sans la moindre hésitation.

 

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Un soupçon d'amitié

⭐⭐⭐⭐

À quel moment la loyauté doit-elle s’incliner devant la suspicion ? Voilà la question à laquelle Daniella et Louis sont confrontés.
Nous sommes en Argentine, en décembre 1961.
On frappe à leur porte. Simon, un inconnu, vient faire des révélations sur Joachim, l’ami qui leur est le plus cher, celui qu’ils considèrent comme un frère…
Et vous, que feriez-vous si votre meilleur ami était suspecté des pires atrocités ?

Ce spectacle réunit tous les ingrédients d’une véritable réussite: un sujet passionnant, une mise en scène élégante, et une distribution d’une grande justesse. Il ose aussi un savant mélange des genres, alternant entre théâtre, danse et chant. Ces respirations musicales, portées avec grâce par Ariane Brousse, apportent une touche de poésie. La comédienne passe avec une aisance remarquable d’un registre à l’autre, tout en gardant une sincérité de jeu qui touche en plein cœur.
J’ai été embarquée par l’histoire, dont la tension dramatique se construit crescendo, jusqu’à un final d’une intensité saisissante. 
C’est du beau théâtre, intelligent, sensible et brillamment interprété qui mérite un grand succès dans ce off.

 

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Le journal de Maïa

⭐⭐⭐✨

Deux amies de treize ans, Maïa et Alicia, traversent les remous de l’adolescence. Elles vivent quelques épreuves avec humour et légèreté, jusqu’à ce que Maïa affronte ses premiers troubles. Elle commence alors l’écriture d’un journal…

Bien que ce spectacle s’adresse en priorité aux adolescents et qu’il semble parfaitement calibré pour être joué dans les établissements scolaires, il mérite largement d’être découvert par un public bien plus large. Grâce à une écriture fine et au jeu des deux comédiennes, cette pièce touche juste, quel que soit l’âge de celui ou celle qui la voit.

Le thème de l’anxiété adolescente, au cœur du récit, est traité avec habileté. Le personnage d’Alicia, avec sa légèreté et ses pointes d’humour, offre un contrepoint salutaire à la gravité du propos. Le message final, profondément optimiste, ouvre des perspectives et propose des pistes concrètes à tous les jeunes qui pourraient se reconnaître dans le parcours de Maïa. Une pièce utile et profondément humaine à faire tourner sans modération dans tous les collèges de France, en espérant qu'elle permettra de libérer la parole de certains.

 

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Made in France

⭐⭐⭐⭐

Après tout ce temps passé à l’attendre derrière les barreaux, ça y est, Emile a obtenu sa peine aménagée. Dès demain, il passera ses journées à l’usine et ses nuits en centre de détention, de quoi rêver d’une sortie rapide pour bonne conduite. Problème : l’usine où il s’apprête à travailler délocalise. Émile n’a plus le choix : pour se sauver, il faut qu’il devienne le meilleur des syndicalistes, sauve l’usine, ses collègues et, peut-être, au passage, le pays tout entier. Made in France est un spectacle qui raconte le combat d’hommes et de femmes prêts à tout pour sauver l’industrie française... enfin... à tout, sauf à faire quelque chose.

Avec "Made in France", la compagnie La Poursuite du Bleu confirme son engagement artistique et citoyen. Après le remarquable "Coupures", elle revient avec une nouvelle création à la fois percutante et drôle. Le titre annonce la couleur: il sera question de politique et de société sur fond de désindustrialisation.

Servie par une écriture affûtée et un jeu d'acteurs toujours aussi juste, la pièce mêle intelligemment humour et réflexion. On retrouve cet humour qui faisait déjà le charme de leur précédent spectacle. La mise en scène, d'une grande ingéniosité, repose sur très peu d'éléments: une batterie (qui symbolise à la fois le vacarme des machines, la révolte ouvrière et permet de réaliser des effets sonores) et quelques grands panneaux noirs suffisent à recréer l’univers de l’usine.

Tout démarre par un savoureux quiproquo qui plonge le personnage principal dans une usine en grève, menacée de fermeture et de délocalisation. Ce point de départ donne aux auteurs l’occasion de tirer à boulets rouges sur tout un système: le patronat, les politiques, les investisseurs, les syndicalistes… Personne n’est épargné.

"Made in France" est une comédie politique aussi réjouissante qu'engagée. Elle amuse, révolte, interpelle et séduit. Les salles sont pleines, le public conquis, et les listes d’attente s’allongent. Un succès pleinement mérité.

 

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Zoom

⭐⭐⭐⭐

L’amour incommensurable d’une mère pour son fils, prête à tout pour lui offrir la meilleure vie possible.

Dans ce texte ciselé et haletant, cette mère courage qui n’a pas les mots, a en revanche aucune limite pour son fils qu’elle embarque sur les routes de France en quête d’un rêve hollywoodien.

Un (presque) seul en scène à 10h du matin, après douze jours intenses de festival : le pari était risqué. Et pourtant, quelle révélation. Avec cette adaptation de Zoom, pièce écrite il y a une quinzaine d’années par Gilles Granouillet, Pamela Ravassard confirme, s’il en était encore besoin, qu’elle est une comédienne et metteuse en scène désormais incontournable du paysage théâtral français.

Difficile de ne pas commencer par sa performance, tout simplement magistrale. Elle incarne, avec une intensité foudroyante, une mère débordante d’amour, de peur, de frustrations, et surtout de rêves projetés. Une femme extravertie, étouffante, qui vit à travers son fils comme on tente de remplir le vide d’une existence déçue. Le portrait est aussi glaçant qu’émouvant, et ce qui frappe le plus, c’est sans doute la transformation complète de la comédienne. Lorsqu’on la voit saluer à la fin du spectacle, calme, douce, lumineuse, on peine à croire qu’elle vient d’incarner cette mère volcanique. Une véritable métamorphose d’actrice.

La mise en scène est d’une grande finesse. Le décor pourrait sembler épuré, mais chaque élément, chaque position, chaque lumière a du sens. Un grand écran blanc trône en fond de scène : sa couleur évolue subtilement au fil du spectacle, reflétant les humeurs du personnage. 

La musique, enfin, distillée avec parcimonie, joue un rôle essentiel. Parsemée de références au cinéma, elle accompagne l’histoire avec justesse, sans jamais l’écraser. Elle fait écho au fantasme de cette mère, qui rêve pour son enfant une carrière sous les projecteurs. Une mère qui veut le bonheur de son fils, mais à travers une vision totalement façonnée par ses propres manques.

Zoom est un spectacle bouleversant, dérangeant parfois, mais toujours juste, porté par une comédienne incandescente et une mise en scène parfaitement maîtrisée.

Un moment rare à ne pas manquer.

 

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Toutes les choses géniales

⭐⭐⭐⭐

C’est l’histoire d’un enfant qui, pour redonner le goût de vivre à sa maman, rédige une liste de tout ce qui est génial dans le monde, tout ce qui apporte de la joie :
1- Les glaces. 2- Les batailles d’eau. 3- Rester debout après l’heure habituelle...
L’enfant grandit et la liste s’allonge… jusqu’à atteindre un million de choses géniales !
Abordant sur un ton léger le thème de la résilience en mêlant comédie et improvisation, ce spectacle est une expérience collective jubilatoire où le public est invité à prendre part à l’histoire.

"Toutes les choses géniales" est un spectacle profondément touchant, porté par une simplicité qui fait toute sa force. En mêlant habilement humour et émotion, il aborde avec finesse un sujet grave: la dépression, vue à travers les yeux d’un enfant qui cherche à redonner goût à la vie à sa mère en dressant une liste de tout ce qui, selon lui, rend le monde merveilleux.

Sur scène, un seul comédien : Stéphane Dauray, lumineux, et incroyablement juste. Il incarne ce récit avec sincérité, naviguant sans effort entre tendresse, naïveté et gravité. Son interprétation donne une profondeur particulière au texte, qui ne verse jamais dans le pathos malgré le thème abordé.

L'une des particularités de la pièce réside aussi dans son interactivité. Le public, régulièrement sollicité, devient complice du jeu, créant une proximité rare entre scène et salle. Ce dispositif renforce l’universalité du propos, chacun pouvant rire, et parfois se reconnaître dans cette liste.

"Toutes les choses géniales" est une œuvre précieuse : accessible, intelligente, bouleversante et joyeuse. Un spectacle qui nous rappelle, avec pudeur et humanité, la beauté des petites choses, et l’importance de les célébrer.

 

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Le jeu de l'amour et du hasard

⭐⭐⭐✨

Pour sonder la sincérité de Dorante, qu’on lui destine sans l’avoir jamais rencontré, Silvia échange son habit avec sa servante Lisette. Ce qu’elle ignore, c’est que son prétendant a recours au même stratagème avec son valet Arlequin. Ainsi travestis, les deux couples seront donc les dupes de ce jeu de hasard et d’amour orchestré par le père de Silvia et son fils Mario. Parviendront-ils à sortir de ce cruel labyrinthe amoureux ? C’est évidemment tout l’enjeu de ce scénario génial, épuisant pour ceux qui en sont les victimes, réjouissant pour ceux qui les manipulent.

Terminer un festival intense par un spectacle d’1h45 à 21h45 n’était peut-être pas l’idée la plus brillante que j’aie eue. Et je le reconnais volontiers : mon état de fatigue a sans doute influé sur mon ressenti. Car si je n’ai pas été conquise de bout en bout, ce n’est pas tant à cause de la qualité du spectacle, loin de là, que du texte lui-même.
Sur le plan scénique, il n’y a pas grand-chose à redire. Les comédiens livrent une partition très maîtrisée, avec un vrai sens du rythme et une belle énergie. La mise en scène, résolument moderne, joue habilement avec les codes et réussit à dépoussiérer le Marivaux sans jamais le trahir. On sent une vraie proposition, cohérente et inventive, qui donne un coup de jeune à ce grand classique.
Là où je décroche un peu, c’est du côté de l’intrigue. Comme souvent chez Marivaux, les quiproquos amoureux s’étirent, les jeux de masques se prolongent, et la résolution se fait attendre… longtemps. Trop longtemps. La fin, en particulier, m’a semblé ne jamais vraiment arriver.
Mais je dois rester honnête: ce n’est pas tant la faute de la compagnie que de Marivaux lui-même. Si vous aimez l’auteur, ses mécaniques théâtrales et ses dialogues ciselés, cette adaptation vous ravira à coup sûr. Et si vous ne le connaissez pas encore, c’est sans doute l’une des meilleures manières de le découvrir aujourd’hui: dans une version vive, contemporaine, et portée par une troupe investie.

 

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J'ai 8 ans et je m'appelle Jean Rochefort

⭐⭐⭐✨

Rosalie Pierredoux, 8 ans, sent toute la tristesse du monde peser sur ses épaules. Un matin, sans prévenir, Jean Rochefort et sa moustache vont changer son regard.

Difficile de commencer cette critique sans saluer d’emblée la performance éblouissante de Thomas Drelon. Il incarne avec une justesse rare la délicate Rosalie, une fillette qui, du jour où elle se réveille affublée d’une moustache, se persuade qu’elle est Jean Rochefort. Et paradoxalement, c’est ce postiche incongru qui lui permet enfin de s’affirmer, de prendre confiance en elle, et d’embrasser sa différence.

Le spectacle ose le surréalisme, et il faut accepter d’entrée de jeu ses partis pris décalés : oui, une petite fille de huit ans s’exprime comme un académicien ; oui, elle se réveille avec une moustache et arrive à s'exprimer comme Jean Rochefort. Mais une fois cette poésie absurde intégrée, on se laisse emporter par ce récit tendre, drôle et profondément humain.

Entre rires et émotions, cette fable moderne parle de dépression infantile, d’acceptation de soi et du pouvoir de l’imaginaire. Un moment de théâtre singulier, qui touche autant les enfants que les adultes.

 

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J'oublie tout

⭐⭐⭐✨

Julien, jeune garçon du sud de la France, entend pour la première fois le rappeur Jul à la radio. Il devient fan, de sa musique, de ses messages, de son mode de vie. Lui, le jeune “chien de la casse” s’identifie dans l’artiste marseillais qui devient une véritable bouée de sauvetage dans sa vie. Un jour dans une église, Julien a une apparition. La vierge Marie lui apprend qu’il porte le même nom que Jul: Julien Marie. Il est l’élu.

Autant être honnête : en entrant dans la salle, j’étais sceptique. Le pitch (un jeune qui devient obsédé par Jul jusqu’à en faire un modèle de vie) me faisait craindre un long monologue plein d’autotune et de références auxquelles je ne comprendrais rien. Et pourtant, j’ai passé un excellent moment.

"J’oublie tout" n’est pas un spectacle sur Jul. C’est un spectacle sur l’admiration, la quête d’identité, le besoin de repères, surtout quand on est jeune. 

Ce qui rend ce choix d’autant plus pertinent, c’est que Jul n’a pas été choisi au hasard : il est l’idole d’une génération entière, et surtout, il vient du même Sud que le comédien. Le lien est personnel, sincère, et donne au spectacle une dimension mi-fictionnelle, mi-autobiographique.

Et si le fond est sérieux, la forme reste légère, vivante, très souvent drôle. Le comédien possède une vraie aisance. Dès l’entrée en salle, il crée une proximité immédiate et sincère avec le public : il salue chacun, improvise, échange. On sent chez lui une générosité et une envie de partage, sans jamais tomber dans la facilité.

Le texte, finement écrit, évite tous les écueils attendus. Inutile d’être fan de Jul (et fort heureusement pour moi, on entend très peu sa musique) pour être touché. Ce n’est pas le chanteur qui est célébré ici, mais ce qu’il peut représenter: un refuge, un cap dans le flou de la jeunesse. Et c’est là que le spectacle devient universel.

L’humour est bien présent, mais toujours dosé avec justesse. On rit souvent, mais jamais au détriment de l’émotion.

Porté par un comédien à la fois naturel, drôle et touchant, "J’oublie tout" est une très belle surprise. Un seul en scène qui émeut, fait sourire et interroge notre rapport à nos propres idoles.

 

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Une bonne bière

⭐⭐⭐

Quatre frères et sœur, que tout oppose, se retrouvent dans leur maison d’enfance pour organiser la mise en bière de leur père. Entre rires, piques et souvenirs, les conflits et les secrets de famille explosent… 

Dire que je suis un public difficile pour les comédies relève presque de l’euphémisme. Autant dire que faire mouche avec moi n’est pas chose aisée. Et pourtant… Cette pièce a réussi le pari. Dès les premières minutes, on sent que les codes du genre sont parfaitement maîtrisés: situations cocasses, dialogues bien ficelés, personnages hauts en couleur... Rien de révolutionnaire sur le papier, mais une redoutable efficacité sur scène.

Il faut dire que la distribution y est pour beaucoup. Mention spéciale à Xavier Martel, que j’avais déjà remarqué et apprécié dans Gagnant-Gagnant et à son acolyte Gilles Dyrek, encore et toujours dans son rôle de loser (pas si loser) tellement attachant. Ici encore, ils confirment leur sens du timing comique et leur présence scénique. L’ensemble du casting fonctionne à merveille, formant un quatuor de personnages volontairement caricaturaux, mais jamais lourds ni agaçants. Juste ce qu’il faut pour embarquer le spectateur dans une mécanique bien huilée.

Certes, certains thèmes abordés, plus profonds qu’il n’y paraît, auraient pu mériter un traitement plus poussé. Mais cela aurait sans doute changé le ton général du spectacle, qui assume pleinement sa légèreté et son envie de faire rire. Et sur ce point, c’est une réussite.

En bref, si vous cherchez un moment de détente, une comédie efficace et bien jouée, n’hésitez pas: cette pièce est faite pour vous. Même les plus grincheux (dont je fais partie) pourraient bien se surprendre à rire. 

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Eclats de vies

⭐⭐⭐⭐✨

Dans Éclats De Vies, chaque pas résonne comme un cri d'émotion, chaque mouvement raconte une histoire, chaque danseur incarne une part de nous-mêmes.

Je n’aurais jamais imaginé être autant bouleversée par un spectacle de danse. Et pourtant… "Éclats de vie" dépasse largement le cadre de la performance chorégraphique: ce n’est pas simplement une démonstration de technique ou d’endurance, c’est une œuvre profondément humaine.

Ce qui distingue ce spectacle des autres spectacles de danse, c’est avant tout sa construction narrative d’une rare intelligence. Chaque tableau, car le mot n’a jamais été aussi bien employé, raconte une histoire forte, poignante, sans un seul mot. Par la seule force du mouvement, les danseurs parviennent à faire surgir des émotions d’une grande intensité. Les thèmes abordés sont graves et universels: violences (familiales, sociales, systémiques), burn-out, handicap, exclusion, dépendance… autant de réalités souvent tues, ici mises en lumière avec un immense talent.

Les musiques choisies ne sont pas de simples accompagnements: elles nourrissent le propos voire l’amplifient. Et que dire des jeux de lumière, qui sculptent littéralement les corps et renforcent la dramaturgie de chaque scène?

Quant à la fin, que je ne révélerai pas, elle est bouleversante mais profondément porteuse d’espoir. On quitte la salle à la fois remué et touché en plein cœur.

"Éclats de vie" est un petit bijou, une expérience sensorielle et émotionnelle rare, à ne manquer sous aucun prétexte. Même si vous pensez ne pas aimer la danse, ce spectacle pourrait bien vous faire changer d’avis.

 

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La tête ailleurs

⭐⭐⭐

Norah est une jeune femme pour qui tout va bien. Tout va bien à l'exception d'un petit problème : dès qu'elle essaie de se concentrer elle entend des chansons. Comme si un musicien sommeillait en elle, prêt à transformer en numéro de comédie musicale le moindre événement de son quotidien. Impossible d'y échapper, ni au bureau, ni en famille ou entre amis. Mais de quoi ce musicien dans sa tête est-il le symptôme ?

Avec "La Tête Ailleurs", on entre dans un univers décalé: celui d’une femme qui, du jour au lendemain, se met à entendre les pensées des autres… en chansons. Un point de départ original, qui pourrait laisser craindre une mécanique répétitive. Et de fait, les premières minutes suscitent un brin de scepticisme: la fantaisie va-t-elle suffire à tenir tout le spectacle?

Mais sous les airs de comédie musicale légère, un propos plus profond émerge au final, et donne toute sa cohérence à cette proposition. Certaines scènes sont vraiment drôles, portées par des chansons efficaces et un vrai sens du rythme comique.

La comédienne principale, dans le rôle de cette femme un peu paumée, est touchante. À ses côtés, son partenaire de jeu est une véritable pile électrique: il joue de la musique et enchaîne les personnages avec une énergie folle, passant d’un rôle à l’autre avec aisance.

On sort de ce spectacle à la fois surpris et charmé. Sans être un coup de cœur absolu, "La Tête Ailleurs" est une jolie proposition, inventive et pleine de malice, qui devrait également vous émouvoir. 

 

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Gagnant-gagnant

⭐⭐⭐

A la fois parodie de convention d'entreprise (avec un festival de loupés : problèmes techniques, dérapages verbaux, démissions en direct, interventions des syndicats, etc.) mais aussi véritable pièce de théâtre, car les discours se succèdent et créent une vraie histoire.

Bienvenue dans le monde merveilleux de l’entreprise… ou plutôt dans sa version la plus déjantée ! Avec Gagnant-Gagnant, le public est plongé dans une grande convention professionnelle où, très vite, tout dérape: les bugs techniques s'enchaînent tout comme les révélations croustillantes. Une satire enlevée qui fait mouche.

L’auteur de la pièce, également comédien principal, incarne avec brio un loser d’une maladresse sans nom, qu’il pousse jusqu’à l’absurde avec une precision réjouissante. Autour de lui, les autres comédiens, tous très convaincants, endossent plusieurs rôles avec une belle aisance et contribuent à maintenir un rythme soutenu tout au long du spectacle.

Certes, c'est un humour assez classique, mais force est de constater que ça fonctionne: les rires fusent dans la salle, les situations absurdes s’enchaînent sans temps mort, et certains passages sont franchement irrésistibles.

En somme, Gagnant-Gagnant est une comédie efficace, populaire, calibrée pour plaire au plus grand nombre. Une soirée sans prise de tête, parfaite pour ceux qui aiment les parodies bien rythmées et les fous rires en cascade.

 

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Leboncoin du feu

⭐⭐⭐✨

De 2019 à 2024, Camille Daloz va se faire passer pour celui qu’il n’est pas. Où ça ? Sur Leboncoin. Un faux acheteur pour tromper de vrais vendeurs. Un jour, il est un homme. Le lendemain, une femme. Tour à tour pince-sans-rire, vulgaire ou dépressif… tous les profils y passent mais un seul pseudo reste : Pomelopop. Qui donc se cache derrière le masque de cet arnaqueur du dimanche ? Voici la véritable enquête d’une sombre histoire de mensonges.

"Leboncoin du feu" raconte une histoire aussi improbable que vraie: celle du comédien lui-même, qui, pendant plusieurs années, a échappé à la solitude en se faisant passer pour d’autres sur Leboncoin. Une fuite virtuelle qui le mènera beaucoup plus loin qu’il ne l’aurait cru… jusqu’à son arrestation et son procès.

Sur scène, il raconte cette spirale avec une énergie débordante et une folie douce. Le tout est renforcé par un dispositif vidéo judicieusement utilisé: l'écran affiche en temps réel les petites annonces, les messages absurdes, les photos d’objets. Ces éléments donnent une saveur très concrète au récit, et ajoutent au comique tout en ancrant l’histoire dans le réel. Le spectacle est très drôle, mais derrière ces rires, une dimension plus grave se dessine. Car si l’aventure amuse, elle interroge aussi : sur la solitude, le besoin de contact, la tentation de la fiction, et les conséquences parfois inattendues de nos actes. Le spectacle n’élude rien. Il évoque sans détour les "victimes", tout en rappelant qu’elles pouvaient toujours interrompre les échanges. Il ne cherche pas à s’excuser mais à se justifier.

C’est ce mélange d’humour, de lucidité et de vulnérabilité qui rend "Leboncoin du feu" si singulier. On y rit beaucoup, on est parfois mal à l’aise, souvent touché… et surtout, on en sort ébranlé, amusé, et plein de questions. Un seul-en-scène fou, maîtrisé, et étonnamment profond.

 

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Shot, shoot, chut

⭐⭐⭐

Quand L’Ancien, la Nouvelle, la Revenante et le Golgoth se retrouvent piégés au fond d'un trou, métaphore brute et poétique de l’addiction, ils ne savent pas ce qui les attend. Ils se débattent pour s'en sortir, chacun à leur manière. Mais alors qu'ils pensaient être seuls pour affronter la réalité, leur cohabitation forcée va tout bousculer, entre affrontements, situations absurdes, confessions émouvantes et espoir de rédemption.

"Shot, Shoot, Chut" nous enferme dans un huis clos tendu, où quatre personnages s’affrontent autant qu’ils se débattent avec leurs dépendances: alcool, drogue, nourriture, médicaments. La pièce frappe fort. L'écriture est percutante et les comédiens livrent une performance à fleur de peau et sincère. Heureusement, on y trouve quelques respirations, des traits d’humour bienvenus, mais le fond reste sombre.  Ce parti pris radical et assumé ainsi que les propos parfois philosophiques pourraient cependant laisser certains spectateurs à distance. "Shot, Shoot, Chut" interroge et dérange. Il ne cherche pas à plaire, il veut secouer. C’est là sa force, et peut-être sa limite : un spectacle coup de poing, radical, qui bouscule autant qu’il questionne.

 

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Tout contre la terre

Coup de coeur 

❤️❤️❤️❤️❤️

Camille Beaurain raconte au journaliste Antoine Jeandey le parcours de son mari, Augustin, agriculteur dans la Somme : leur rencontre, leur amour, leur travail à la ferme… Mais aussi, le terrible système qui humilie la paysannerie française : les relations avec la grande distribution, la volatilité des prix, les conditions d’emprunt bancaire… Alors que Camille raconte, les souvenirs reviennent, les scènes se jouent, et elle vit de nouveau les évènements qui provoqueront le tragique départ de son mari.

"Tout contre la terre" est un spectacle d’une intensité rare, de ceux qui vous serrent le cœur et vous bouleversent profondément. Sur scène, Camille confie à un journaliste le récit de sa vie aux côtés d’Augustin, son mari, éleveur porcin: leur amour, leur travail, leur combat quotidien… et peu à peu, la descente aux enfers d’un homme broyé par un système agricole inhumain.

Inspiré du roman autobiographique "Tu m’as laissée en vie", ce spectacle met en lumière la souffrance silencieuse de milliers d’agriculteurs. On y découvre les humiliations infligées par la grande distribution, la précarité financière, l’endettement, l’épuisement. Même l’amour, la tendresse, la fidélité indéfectible de Camille ne suffisent plus à enrayer la spirale. Et pourtant, ce n’est jamais pesant. Parce qu’on rit (beaucoup) grâce à la galerie de personnages secondaires hauts en couleur qui apportent de la respiration au drame. Cette alternance parfaite entre émotion et humour rend le propos encore plus percutant et le spectacle d'autant plus remarquable. 

La mise en scène, d’une grande sobriété, est d’une redoutable efficacité : quelques blocs recouverts de paille suffisent à transformer l’espace, à faire naître la ferme, la cuisine ou le bureau de l'assureur. 

C’est aussi, au-delà de l’histoire intime de Camille et Augustin, une critique puissante de notre société de consommation, du cynisme de certains grands groupes agroalimentaires, et du mépris parfois inconscient envers ceux qui nous nourrissent. On sort du spectacle à la fois bouleversé, révolté, et infiniment reconnaissant.

Porté par une distribution d’une justesse remarquable, "Tout contre la terre" est une pépite de ce festival. Un spectacle nécessaire, vibrant d’amour, d’émotion et d’engagement. À ne surtout pas manquer.

 

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Hongaï

⭐⭐⭐

Paris, jeudi 1er mars 1973.
Rose McConaughey a rendez-vous au siège du SDECE (le service de renseignement extérieur de l’armée française) pour son dernier debriefing. Elle revient d’une mission dans le Nord-Vietnam, en plein conflit armé, où elle a pu entrer en contact avec Gustave Duong dit Florence, un agent infiltré au plus près de la Présidence de la République Démocratique du Vietnam depuis près de trente ans. Cet échange intéresse particulièrement le SDECE, car Florence a cessé d’émettre depuis plusieurs années... Florence est-il devenu un traître? Alors qu’elle cherche à comprendre pourquoi l'espion ne répond plus, Rose va être embarquée dans un tourbillon d'histoires qui l'emmèneront sur les traces de son propre passé...

Un film d'espionnage au théâtre, ça vous tente? "Hongai" est une proposition théâtrale audacieuse: un récit d’espionnage sur fond de seconde guerre mondiale, de guerre d’Indochine et de conflit vietnamien. Un sujet rarement abordé sur scène, qui offre ici un mélange de tension politique et d’intrigues personnelles.

On y suit en parallèle les parcours de deux espions, dont les destins finissent par se croiser au fil d’un récit dense, parfois un peu difficile à suivre, mais toujours prenant. Le spectacle exige une certaine attention du spectateur, tant l’histoire est riche et les enjeux multiples. 

Entre manipulations, sacrifices, missions clandestines et trahisons, leurs parcours nous entraînent d’une époque et d'un continent à l’autre. Ce voyage à travers les décennies permet de mieux comprendre les enjeux du présent, sans jamais perdre de vue les drames intimes.

La performance des comédiens est à souligner: ils incarnent tous plusieurs rôles, changeant de voix, d’allure et d’énergie en un clin d'œil.

"Hongai" est donc un spectacle original et intense, qui prouve que le théâtre peut, lui aussi, faire vivre les grandes heures du roman d’espionnage sans effets spéciaux. Petit conseil : entre CIA, KGB et conflits coloniaux, mieux vaut être un peu renseigné pour saisir toutes les subtilités.

 

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Demain, tout le monde aura oublié

⭐⭐⭐⭐

Londres 1888. Dans une ruelle de Whitechapel, une femme est assassinée dans l’anonymat de la nuit. Qui ? Quand ? Pourquoi ? À Scotland Yard, Warren le chef de la Police, peu inquiété par le meurtre d’une prostituée, tarde à ouvrir une enquête alors que la presse s’empare déjà de l’affaire. D’un simple badaud à la reine d’Angleterre, tout le monde veut mettre la main sur celui qui se fait appeler « Jack ». Aux premières loges, derrière les rideaux d’une maison close, un groupe de femmes s’organise : trouver le meurtrier, avant qu’il ne les trouve. Et si pour une fois, les héroïnes de l’histoire, c’étaient elles ?
Inspirée de crimes réels, cette comédie à l’anglaise vous plonge en pleine ère victorienne au cœur du fait divers le plus connu de l’histoire.

"Demain tout le monde aura oublié" est une comédie policière qui, sous des dehors légers, déstabilise et interroge. Si le ton peut d’abord sembler presque potache, le propos, lui, est beaucoup plus profond qu’il n’y paraît.

L’humour repose en grande partie sur le personnage du chef de Scotland Yard, brillamment interprété  par Benjamin Alazraki, hilarant de bout en bout. Ce parti pris n’est pas anodin : il souligne l'impuissance (voire l'aveuglement) des autorités de l'époque. 

Mais ce qui fait toute l'originalité de la pièce, c’est que ce sont les rôles féminins qui apportent le sérieux, l’émotion, la dignité. Ces femmes (invisibilisées parce que femmes, méprisées parce que prostituées) deviennent ici les véritables héroïnes.

Le spectacle s’empare du mythe de Jack l’Éventreur pour en renverser la perspective : ce ne sont plus les crimes qui fascinent, mais les victimes qu’on refuse de voir. Il en résulte une critique fine de la presse sensationnaliste et du voyeurisme collectif, d'ailleurs toujours d'actualité. 

La mise en scène, d’une grande précision, fonctionne comme une mécanique bien huilée. 

Certes, certaines scènes peuvent déstabiliser. Mais cette alternance entre comique et tragique est assumée, et fait toute la richesse de la proposition. "Demain tout le monde aura oublié" n’est pas une comédie comme les autres : c’est une pièce résolument moderne, audacieuse et percutante. Et la scène finale, d’une intensité rare, vient clore le tout avec force.

Un spectacle drôle et très surprenant.

 

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Prélude

⭐⭐⭐

Prélude est l'histoire de la rencontre entre la musique de Romain Dubois et la physicalité des danseurs. La musique, crescendo rythmique et mélodique, nous tient dans une intensité qui devient tension. La virtuosité des danseurs bat à l'unisson avec la musique et l'attention des spectateurs. 

"Prélude" est un spectacle qui impressionne avant tout par l’incroyable performance physique des danseurs. Leur puissance, leur précision et leur endurance forcent l’admiration. Ils occupent l’espace avec une incroyable énergie. Ce sont de véritables performeurs, totalement investis dans ce qu’ils donnent sur scène.

Le travail sur les lumières est également remarquable. Les éclairages accompagnent les corps avec justesse et créent des images fortes, parfois presque hypnotiques. 

Le seul bémol, pour moi, concerne la narration. Le spectacle commence avec le chorégraphe Kader Attou qui raconte une partie de son histoire personnelle, puis laisse complètement la place à ses danseurs dans la seconde moitié. Cette rupture rend le propos un peu flou, et on a du mal à comprendre où l’ensemble veut vraiment nous emmener.

Cela dit, malgré cette réserve sur le fil conducteur, Prélude reste une proposition puissante et très réussie sur le plan physique et visuel. Un beau moment, porté par des artistes impressionnants.

 

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Le procès d'une vie

⭐⭐⭐⭐✨

Eté 1971, Marie-Claire, 16 ans, tombe enceinte. Bien que ce soit un crime puni par la loi, elle ne veut pas garder l'enfant. Elle veut avorter. Solidaire, sa mère, Michèle puis Lucette, Renée et Micheline mettent tout en œuvre pour l'aider. Mais l'avortement clandestin tourne mal... Automne 1972. Toutes les femmes se retrouvent inculpées. Une certaine avocate, Maître Gisèle Halimi, orchestrera ce procès, le procès de Bobigny. Leur courage a écrit la suite de l'Histoire.

"Le Procès d'une vie" est de ces spectacles qu'on n'oublie pas. Parce qu’ils remuent, bousculent, et éclairent une part essentielle de notre histoire collective.

Cette pièce est d’abord un hommage vibrant à Gisèle Halimi, figure incontournable du XXe siècle, aux côtés de Simone Veil ou Simone de Beauvoir. Une femme engagée, qui a fait bouger les lignes et ouvert la voie à un féminisme plus combatif.

Mais elle rend aussi hommage aux victimes du procès de Bobigny. Ce procès emblématique, qui a marqué un tournant décisif dans la lutte pour le droit à l’avortement.

Les comédiennes sont remarquables. Chacune donne chair et voix à son personnage avec une justesse saisissante. Et, comme si le public, constamment en tension, avait besoin de respirations, il s’amuse du personnage interprété par Jeanne Arènes qui, par son talent et son sens du rythme, parvient à faire rire même lorsque le propos est grave.

La mise en scène se distingue notamment par son ouverture immersive, qui surprend et capte immédiatement l’attention.

En résumé, un spectacle à la fois fort, nécessaire et profondément humain, qui réussit le pari de nous émouvoir autant qu’il nous instruit. À voir absolument.

 

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Le toit du monde

⭐⭐⭐⭐

Paris, 1945. Henry Vernot est à la recherche de son frère Antoine, disparu sans laisser de trace. Le seul moyen de le retrouver, c’est de mettre la main sur un tableau, ou plutôt ce qu’il y a à l’intérieur… Victime d’un passé qu’il aimerait oublier, la recherche de son frère va exhumer une vérité honteuse qu’il aurait aimé garder secrète. Paris, 1945. C’est l’histoire d’Antoine et Henry Vernot.

L’un des grands plaisirs du festival d’Avignon, c’est cette possibilité de tomber un peu par hasard sur des petites pépites, souvent dans des lieux plus discrets. On y atterrit parfois après avoir été tracté dans la rue, sur la recommandation d’un voisin de file d’attente, ou parce qu’on reconnaît un comédien aperçu dans un autre spectacle quelques années auparavant. C’est ainsi que je me suis retrouvée un matin à 10h à l’Espace Saint Martial… et que j’ai eu une très belle surprise.

Même si le contexte de la Seconde Guerre mondiale a été maintes fois exploré au théâtre, le traitement proposé ici se distingue par son originalité et sa finesse. Résistance, amour interdit, Vichy, devoir de mémoire: tous les ingrédients étaient réunis pour me captiver. La mise en scène, d’une grande simplicité, fait preuve d’une vraie ingéniosité. Les deux comédiens sont remarquables: Romain Poli, tout en sobriété et intensité, et Malou Gilbert, impressionnant de justesse et de polyvalence, incarnant avec brio une galerie de personnages aux registres très contrastés.

Ce n’est pas un spectacle où l’on rit, mais un spectacle qui bouleverse, qui révolte, et qui tient en haleine du début à la fin. Et puis il y a ce final, que je ne dévoilerai pas, mais qui m’a profondément marquée par sa force et son intensité.

Bref, une vraie belle découverte. Un spectacle que je recommande vivement, aussi poignant que pertinent.

 

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Voyage à Napoli

⭐⭐⭐✨ 

Dans un monde où les liens s’effilochent, Adil et Lulu tentent l’impossible : raviver leur flamme en ouvrant leur relation.

Ce jeu amoureux, d’abord électrisant, fait trembler les fondations de leur histoire commune. Quand un désir imprévu vient bouleverser leurs nouvelles règles, une question brûlante s’impose : peut-on véritablement se réinventer sans se perdre complètement ?

J’ai été agréablement surprise par ce spectacle qui explore avec finesse les méandres de l’amour polyamoureux et les défis qu’il soulève. Cette comédie romantico-dramatique touche autant qu’elle interroge, abordant une thématique à la fois moderne et encore peu traitée au théâtre.

La mise en scène, particulièrement soignée, se distingue par l’utilisation subtile des lumières et l’intégration d’apartés : un choix judicieux qui permet aux personnages de livrer leurs pensées les plus intimes, créant une véritable proximité avec le public.

Les deux comédiens sont remarquables dans des registres très complémentaires : Lina Lamarra déborde d’énergie tandis que Nicolas Taffin brille dans la retenue. Leur duo, à la fois atypique et attachant, fonctionne à merveille. On se prend rapidement d'affection pour ce couple, ce qui est essentiel pour embarquer les spectateurs dans ce genre d'histoires.

Même si l’on pressent les tensions à venir, on reste suspendu à la manière dont ces deux êtres, sincèrement amoureux, vont affronter les obstacles qui se dressent devant eux. Le dénouement, surprenant et convaincant, m’a cependant semblé un peu abrupt : une scène supplémentaire aurait peut-être permis de l’amener de manière plus fluide.

Un spectacle que je recommande sans hésitation aux amateurs du genre, curieux de découvrir une approche sensible et intelligente de l’amour hors des sentiers battus.

 

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On va tous être d'accord... ou pas

⭐⭐⭐✨

J’ai passé un très bon moment devant ce seul-en-scène porté par Marie Bô, qui se livre avec une grande sincérité. Elle y partage son parcours de vie touchant, empreint d’émotion et ponctué d'humour. Au-delà de son récit personnel, elle propose une réflexion très pertinente sur la tendance à vouloir nous enfermer dans des cases, ainsi que sur la difficulté de s’affirmer dans une société qui, bien que plus ouverte à l’homosexualité, reste encore imprégnée de nombreux clichés."

Si certaines personnes déjà bien informées pourraient regretter certains passages un peu didactiques dans le genre "LGBT+ pour les nuls", ils sont pourtant utiles afin que que le spectacle s'adresse au plus grand nombre. 

Le message transmis déborde d’humanité, et est à la fois essentiel et profondément émouvant. La scène finale se distingue par son intensité : elle bouleverse autant qu’elle fait réfléchir. En conclusion, "on va tous être d'accord... ou pas" est un spectacle à la fois engagé, touchant et drôle.

 

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Cléopâtre la reine louve

⭐⭐⭐⭐✨

Cléopâtre – La Reine Louve raconte l’ascension de la jeune et déterminée Cléopâtre, propulsée à la tête de la dynastie des Ptolémées.

Assister à un spectacle d’Éric Bouvron, c’est s’offrir une expérience mémorable, et Cléopâtre, la Reine Louve ne fait pas exception à la règle. Dans la lignée de son sublime Lawrence d’Arabie, le metteur en scène nous embarque cette fois-ci en Égypte ancienne, à la découverte du destin fascinant d’une reine mondialement célèbre, mais dont les véritables contours restent, pour beaucoup, méconnus.

Dès les premières minutes, la mise en scène capte l’attention. D’une beauté sobre et saisissante, elle repose sur un minimalisme poétique : quelques bâtons, des tissus, quelques costumes suffisent à faire naître l'histoire sous nos yeux. Fidèle à son style, Éric Bouvron (à mon avis le metteur en scène le plus talentueux du moment) prouve une fois de plus qu’il sait faire beaucoup avec peu. Les superbes créations lumières subliment les scènes, tandis que la musique, jouée et chantée en live par les musiciens, ajoute une vraie profondeur à l'ensemble.

La troupe, menée par une Charline Freri bouleversante dans le rôle de Cléopâtre, est irréprochable. Tous les comédiens incarnent avec aisance une multitude de personnages, naviguant entre émotion, humour et tension avec une fluidité remarquable.

L’histoire, riche et passionnante, est racontée avec précision, tout en étant ponctuée de traits d'humour parfaitement dosés.

En somme, Cléopâtre, la Reine Louve est un joyau théâtral à ne surtout pas manquer. Une œuvre d’une rare qualité, qui enchante autant qu’elle instruit.

 

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Un mec cool

⭐⭐⭐✨

UN MEC COOL, c’est quelqu’un qui est mieux que nous, donc c’est normal qu’on paye pour le voir.

 

Guillaume Sentou rêve d’être un mec cool, ce type décontracté qu’on admire pour son aisance naturelle et sa confiance en lui. Mais, comme tout artiste digne de ce nom, il est traversé par ses propres doutes. Je l’avais découvert éblouissant dans des rôles comme ceux d’Edmond Rostand ou d’Auguste Maquet, où il mêlait avec brio humour, charisme et justesse. Son interprétation d’Edmond lui avait d’ailleurs valu un Molière du meilleur comédien. Et pourtant, derrière ce talent éclatant, il se sent ordinaire.

De ce constat est né un spectacle en solo, un récit intime et universel, porté par une écriture subtile et une interprétation d’une grande finesse, entre émotion, juste critique de la société et autodérision. C’est un tournant dans sa carrière : longtemps salué en duo ou en troupe, il choisit ici de se confronter seul au regard du public. Comme un défi lancé à lui-même, et qu’il relève haut la main.

Pour ma part, sa seule présence suffisait à me convaincre de venir. Et je n’hésiterai pas une seconde à retourner le voir sur scène. Je n’ai jamais été déçue.

 

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L'heure des assassins

⭐⭐

La réussite est une chose étrange. Voyez-vous, ce soir, je signe mon retour triomphant en Angleterre. Tout le gratin de Londres sera là, pourtant il y aura bien un grand absent.
Moi, Philip Somerset. Vous ne me verrez pas car ce soir, je vais mourir. Oh détrompez-vous, cela ne me fait pas plaisir !
C'était une si belle soirée, j'étais entouré d'amis chers : Katherin ma soeur bien aimée, Hartford mon bras droit, Bram Stoker le directeur du théâtre, Georges Bernard Shaw le dramaturge, Miss Lime mon assistante, Arthur Conan Doyle le célèbre romancier.
Pourtant mon assassin est forcément parmi eux. Alors Qui ? Et si c'était simplement mon heure ?

Malheureusement, cette comédie policière ne m’a pas vraiment convaincue. Le terme de "comédie" me semble d’ailleurs un peu exagéré : les moments drôles sont rares, et les sourires, timides. L’intrigue met beaucoup de temps à se mettre en place, et quand elle décolle enfin, elle manque cruellement d’originalité. Quant aux personnages, ils peinent à susciter l’intérêt ou l’empathie.

Le seul véritable point fort du spectacle réside dans ses rebondissements, parfois inattendus, qui rappellent les mécanismes bien rodés des romans d’Agatha Christie. Cela dit, malgré quelques sursauts d’intérêt, je suis restée assez distante tout au long de la représentation.

Je ne dirais pas que j’ai passé un mauvais moment, mais cette pièce ne laissera clairement pas un souvenir marquant.

 

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Fête des mères

⭐⭐⭐⭐

Louise, ancienne étudiante en Maths Sup reconvertie dans le stand-up, puise dans sa vie personnelle pour alimenter ses sketches. Son humour acerbe a toutefois creusé un fossé entre elle et sa mère, au point qu'elles ne se parlent plus depuis trois ans. En panne d'inspiration, Louise retourne pourtant dans la maison familiale à l'occasion d'un événement symbolique : la Fête des mères. L'occasion de revoir ses frères Gabriel et Ziggy ainsi que leurs conjoint.e.s. Mais alors que tout le monde se retrouve, un élément inattendu vient perturber la réunion : l'absence inexpliquée de la mère.

Difficile à classer, "Fête des mères" surprend autant qu’elle désarçonne. Si les règlements de comptes familiaux sont un thème récurrent au théâtre, c’est ici le ton, résolument absurde et grinçant, qui fait toute la singularité du spectacle. L’humour, souvent acide, joue sur le malaise, autant dans les dialogues que dans les situations, poussant parfois jusqu’au burlesque. Dans ce chaos savamment orchestré, le personnage de Florence se distingue : à la fois hilarant, insupportable, et terriblement humain.

Derrière cette comédie aux accents trash et à l’irrévérence assumée, se cache un message plus profond, voire touchant. Si certains pourront rester hermétiques à ce type d’humour, les amateurs de comédies noires et décalées, eux, y trouveront leur compte… et bien plus encore.

 

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Passeport

⭐⭐⭐⭐

Issa, jeune Érythréen laissé pour mort dans la « jungle » de Calais, a perdu la mémoire. Alors que le seul élément tangible de son passé est son passeport, il entame une longue quête semée d’embûches afin d’obtenir un titre de séjour, entouré de compagnons d’infortune.

J’ai enfin eu le plaisir de découvrir Passeport, et le verdict est sans appel : c’est une pièce remarquable. On y retrouve les ingrédients emblématiques du théâtre d’Alexis Michalik – un rythme soutenu, une mise en scène ingénieuse et un dénouement inattendu. Impossible de décrocher tant le récit regorge de péripéties et que les histoires des personnages, finement entremêlées, captivent et émeuvent.

Ce qui m’a particulièrement frappée, c’est la manière dont l’auteur parvient encore à explorer de nouvelles thématiques tout en conservant ce qui fait la force de son univers. Passeport est sans doute son œuvre la plus engagée à ce jour, mais elle ne verse jamais dans le manifeste militant. Il s’agit avant tout du parcours profondément humain d’un homme en quête de soi, traité avec finesse et sensibilité.

Les comédiens sont excellents, notamment Jean-Louis Garçon, bouleversant dans le rôle d’Issa, et Kevin Razy, qui insuffle une dose d’humour bien dosée et bienvenue. Si le propos est fort, il n’est jamais pesant : la pièce touche par son humanisme bien plus qu’elle ne cherche à faire la leçon.

Une œuvre aboutie, intelligente et profondément humaine que je recommande sans hésiter.

 

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Orgueil et préjugés... ou presque

⭐⭐⭐⭐

"Orgueil et préjugés... ou presque !", l'adaptation décalée et pop du célèbre roman de Jane Austen, arrive enfin à Paris!l Accompagnées d'une musicienne, 5 comédiennes nous racontent avec humour les péripéties des soeurs Bennet, du point de vue des domestiques.

Si vous cherchez un spectacle déjanté, drôle et plein d’énergie pour clore votre soirée, "Orgueil et préjugés... ou presque" est fait pour vous. Cette adaptation est un concentré de folie, portée par une mise en scène rythmée comme un ballet parfaitement orchestré. Il faut saluer la prouesse d’avoir transposé une œuvre aussi riche avec autant d’inventivité.

Sur scène, cinq comédiennes brillantes incarnent tour à tour plusieurs personnages, avec une aisance et une précision remarquables. Difficile de mettre en avant l’une plus que l’autre tant elles sont toutes excellentes, chacune apportant sa touche unique à cet univers burlesque. Mention spéciale également à la musicienne, subtilement intégrée à la mise en scène : bien plus qu’un accompagnement sonore, elle devient un personnage à part entière, contribuant à l’esprit décalé de la pièce. Je ne regrette que les quelques vulgarités qui me semblaient évitables. 

Il n’est pas nécessaire d’avoir lu le roman ou vu ses adaptations pour savourer pleinement le spectacle, même si cela peut ajouter une touche de plaisir supplémentaire en percevant les clins d’œil et les écarts assumés. J’ai énormément ri et ai été particulièrement impressionnée par la fluidité des transitions et la rapidité des changements de costume.

En somme, un véritable bijou d’humour absurde et une performance de haut vol de toute l'équipe à ne manquer sous aucun prétexte !

 

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ADN

⭐⭐⭐⭐

À la suite d’un test ADN, Tomas découvre qu’il n’est pas le père de son bébé, mais son oncle. Seulement, à sa connaissance, il n’a pas de frère. Le jour où sa mère est prête à lui faire des révélations, Tomas la retrouve assassinée.

 

ADN est un spectacle assez unique. Tout d'abord, impossible ne pas commencer une critique de cette pièce sans mettre l'accent sur la prouesse du metteur en scène Sébastien Azzopardi. Car pour parvenir à retranscrire cette histoire sur scène et faire défiler un nombre incalculable de décors de manière si fluide, il faut un allier talent et ingéniosité. La nomination aux Molières dans la catégorie "Meilleure création visuelle et sonore" est totalement méritée et une dans la meilleure mise en scène n'aurait pas été volée.

S'il me paraît important de mettre en lumière la mise en scène, j'ai également beaucoup aimé l'idée du spectacle. C'est d'ailleurs la première raison pour laquelle je suis allée voir cette pièce, car les thrillers au théâtre sont assez rares. Inspirée de faits réels mais largement romancée, cette histoire incroyable tient les spectateurs en haleine de la première à la dernière seconde. Le final est même totalement inattendu et j'ai été scotchée par la beauté de la dernière scène, que je ne révélerait évidemment pas. 

Enfin, j'ai eu la bonne surprise d'assister à un spectacle drôle et immersif. Comme dans "Dernier coup de ciseaux", Azzopardi a pris un malin plaisir à intégrer par petites touches le public qui ne demande que ça. J'ai beaucoup ri et je trouve judicieux d'avoir pris le parti de dédramatiser le propos avec une écriture parfois plus légère. 

En résumé, ADN est un spectacle surprenant, intense, haletant et très amusant lors duquel le spectateur va de surprise en surprise et se laisse embarquer dans cette folle histoire avec un immense plaisir.

 

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C'est pas facile d'être heureux quand on va mal

⭐⭐⭐⭐✨

Nora et Jonathan sont en couple depuis  bien trop longtemps. Et c’est nul. Maxime  quant à lui fait des partouzes pour  rencontrer l’homme de sa vie. Et c’est nul  aussi. Timothée lui, pense qu’il est  heureux, alors que sa vie est nulle. Jeanne  a une vie bien nulle, mais par contre elle  le sait.

Le titre et le pitch du spectacle étaient prometteurs et le fait qu'il ait été récompensée par deux Molières (meilleure comédie et meilleur auteur) l'an dernier m'a poussé à dépasser mes à prioris sur les comédies. Quelle bonne idée! J'ai trouvé l'écriture excellente avec, comble du bonheur pour moi, une petite pointe d'humour noir bien sentie. Les personnages, névrosés et caricaturaux à souhait, sont au mieux agaçants, au pire odieux. On peut donc les détester sans aucun remords et c'est un vrai exutoire. Mais pour jouer ce genre de personnages, il faut des comédiens à la hauteur. Le casting est parfait! Impossible pour moi d'en ressortir un du lot tant ils sont chacun brillants dans leur interprétation. Un immense bravo à eux et à l'auteur.

 

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La fin du début

⭐⭐⭐⭐

Avec La fin du début, le comédien Solal Bouloudnine nous plonge dans l’univers d’un enfant des années 90 qui réalise, comme tous les enfants avant et après lui, que tout a une fin, à commencer par la vie. Nous traversons avec lui une vie marquée par l’angoisse de la fin, dans une comédie touchante et vertigineuse.

Quelle performance! "La fin du début", c'est le genre de spectacles qu'il est très difficile d'expliquer mais qui ne laissera personne indifférent. Certains riront du début à la fin de l'enchaînement de scènes tantôt absurdes, tantôt teintées d'humour noir. D'autres passeront probablement totalement à côté et seront perdus face au côté complètement barré de l'ensemble, aussi bordélique que le plateau en début et en fin de spectacle. Cependant, il est indéniable que Solal Bouloudnine, à la fois comédien et co-auteur, donne de sa personne et est pétri de talent. Il campe une série de personnages tous plus déjantés les uns des autres avec une facilité et une énergie que les plus grands humoristes lui envieraient.  Personnellement j'ai énormément ri, autant des blagues et des jeux de mots volontairement très mauvais que de l'absurdité de certaines situations. Et que dire de ce décor qui, pour un enfant des années 90, est plein de références et de jouets rétro qui nous rappellent notre jeunesse (mention spéciale pour le petit sticker 3615 ULLA bien caché). Le tout est agrémenté de quelques chansons et anecdotes sur la vie de Michel Berger, musicien profondément lié au comédien par un hasard malheureux. 

Ce spectacle est, de plus, bien plus profond qu'il n'y paraît et mène une vraie réflexion philosophique sur des questions telles que la maladie ou la mort. En tous cas, c'est un seul en scène extrêmement original que je recommande à ceux qui n'ont pas peur d'être décontenancés au théâtre.

 

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Le barbier de Séville

⭐⭐⭐⭐

À Séville, au début du XIXe siècle, Rosine, une jeune fille orpheline, est retenue captive par son tuteur, le docteur Bartholo, épaulé par son cupide bras droit Basile. Promise à un mariage forcé à ses 18 ans, elle tombe amoureuse d’un mystérieux amant qui la courtise en secret. Ce n’est autre que le comte Almaviva qui, aidé de son ancien valet, le malicieux Barbier Figaro, va tenter de la délivrer…

J'ai été très agréablement surprise par cette adaptation pourtant très classique du Barbier de Séville. Ce qui m'a fait énormément rire dans cette comédie ce n'est pas tant le texte (on est très proche des bonnes pièces de Molière, sans réelle surprise dans l'histoire) mais plutôt l'excellente interprétation des comédiens ainsi que toutes les petites trouvailles de mise en scène très astucieuses et toujours très drôles. Même si ce n'est pas ce que je préfère dans le théâtre, je trouve important que les textes de nos grands auteurs ne tombent pas dans l'oubli et il est indispensable de les faire découvrir et aimer à tous. Ce défi de taille est relevé haut la main par la troupe des Modits. Ce spectacle plaira à la fois aux amoureux du théâtre classique mais aussi aux néophytes et aux enfants qui seront amusés, en particulier par le rôle de l'odieux docteur Bartholo magistralement interprété par Michaël Giorno-Cohen (que j'avais déjà énormément apprécié dans "Le Revizor"). Les autres comédiens ne sont pas en reste et nous livrent une performance pleine d'énergie, que ce soit Oscar Voisin (qui interprète le fantasque Figaro), Victor O'Byrne (l'amoureux transi prêt à tous les subterfuges pour atteindre sa bien aimée), ou Alexis Rocamora (tellement parfait dans son rôle de l'antipathique Basile). Je tiens également à féliciter Justine Vultaggio qui non seulement est très convaincante dans son rôle de Rosine mais qui signe également la mise en scène que j'ai trouvée très intéressante. Il y a quelques années j'avais acheté un album qui s'intitulait "j'aime pas le classique mais ça j'aime bien", voilà qui résumait parfaitement mon état d'esprit à la sortie de cette pièce. Un immense bravo à la troupe

 

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Denali

⭐⭐⭐⭐

Le mardi 4 juin 2019, Cynthia Hoffman, 19 ans, est retrouvée morte, ligotée et bâillonnée dans la rivière Eklutna en Alaska. Elle a été abattue d’une balle dans la nuque. Les derniers à l’avoir vue sont Denali Brehmer, 18 ans, et Kayden McIntosh, 16 ans. En les interrogeant, les détectives Jessica Hais et Lenny Torres vont mettre à jour une sordide histoire dont les adolescents sont autant victimes que coupables.

Une série Netflix au théâtre, vous pensez que c’est impossible? C’est pourtant l’exploit que réalise « Denali ». Dès les premières minutes, on comprend qu’on ne va pas assister à une pièce « classique ». Générique d’ouverture, découpages en épisodes, récapitulatif: tout le fonctionnement des plateformes de streaming est transposé sur scène avec un brio rare. Cette transposition n’est jamais gadget: elle structure le récit, apporte du suspense, relance l’attention et donne l’impression grisante de binge-watcher un thriller en direct.

La pièce revient sur l’enquête qui a suivi le crime atroce perpétré par des adolescents contre l’une de leurs amies. Inspiré d’une histoire (malheureusement) vraie, ce polar théâtral vous tient en haleine de la première à la dernière minute. Les révélations s’enchaînent comme dans une enquête journalistique, et l’on ne voit pas le temps passer.

Ce qui impressionne surtout, c’est l’ingéniosité de la mise en scène. Les changements de décor sont instantanés, la scénographie joue des écrans, des projections et d’un savant jeu de lumière pour créer plusieurs espaces dans un même plateau. La mécanique est si précise qu’on a l’impression de regarder une saison entière d’une série, mais avec la puissance et l’émotion du direct.

Petit bonus: toute la musique est interprétée en live. Ce choix donne une tension supplémentaire aux scènes et crée un lien sensoriel direct avec le public. Glaçant à souhait, mais aussi extrêmement efficace.

Les amateurs de « Faites entrer l’accusé », « Chroniques criminelles » ou de true crime en général seront comblés, mais même les spectateurs moins familiers du genre ne peuvent qu’être bluffés par la maîtrise technique et narrative de ce spectacle hors norme. Denali est un spectacle qui offre une proposition originale et extrêmement intéressante.

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Big Mother

⭐⭐⭐⭐

Alors qu’un scandale éclabousse le Président des Etats-Unis et agite la rédaction du New York Investigation, la journaliste Julia Robinson voit sa vie vaciller dans la salle d’audience d’un tribunal quand elle croit reconnaître sur le banc des accusés son compagnon mort 4 ans auparavant.
Son enquête pour élucider ce mystère croise celle de son équipe, et la petite cellule du New York Investigation se retrouve confrontée à un programme de manipulation de masse d’une ampleur inédite.
Ensemble, malgré leurs différends, ils vont devoir mettre à jour le plus gros scandale depuis l’affaire du Watergate.

La démocratie est en péril. Leur vie aussi

 

Avec "Big Mother", Mélody Mourey (dont j’avais déjà énormément apprécié le travail dans "Les Crapauds fous" et "La Course des géants") signe une œuvre dense et haletante qui interroge notre rapport aux données, à l’information et au pouvoir invisible des algorithmes.

Dès les premières minutes, le spectateur est happé par un rythme qui ne faiblit jamais, à la manière d’une enquête journalistique menée tambour battant. 

L’un des atouts majeurs de la mise en scène réside dans l’utilisation permanente de la vidéo. Projections, incrustations, images en direct ou en différé : l’écran devient un personnage à part entière. Loin d’être un simple artifice, cet usage constant des images enrichit le propos, souligne la manipulation des masses par les médias et plonge le spectateur dans une expérience presque cinématographique. 

Le spectacle met en lumière la manière dont nos données, nos clics et nos habitudes se transforment en armes redoutables entre les mains de ceux qui savent les exploiter. C’est à la fois glaçant et salutaire, car il est essentiel que l’art parle de ces dérives contemporaines.

La troupe impressionne par son énergie et sa polyvalence. Six comédiens incarnent une multitude de personnages, passant de l’un à l’autre avec aisance. L’humour cinglant, utilisé avec parcimonie, apporte de véritables respirations dans une histoire aussi intense.

Big Mother interpelle, tant par son propos que par son esthétique. Mélody Mourey réussit le pari de conjuguer une réflexion sociétale brûlante d’actualité avec une mise en scène inventive et spectaculaire. C’est un théâtre qui secoue, qui alerte, mais qui captive du début à la fin.

Un spectacle de grande qualité qui, et c’est amplement mérité, fait salle comble depuis plus de deux ans.

 

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L'affaire du tueur de l'ombre

⭐⭐⭐✨

Le tueur de l’ombre est l’insaisissable meurtrier qui sévit au début des années 70 et répand la terreur dans la petite ville de Nogent-sur-Oise. Sa particularité : il ne tue que des femmes brunes en pleine nuit.

Amateurs de faits divers, ce spectacle est fait pour vous ! Connaissez-vous "Le tueur de l’ombre" ? Pour ma part, c’était une découverte, car ce criminel a sévi dans les années 70, à une époque où l’ADN n’était pas encore utilisé et où le concept même de "tueur en série" commençait à peine à émerger. Dans un tel contexte, résoudre une enquête aussi complexe relevait presque de l’impossible, surtout face à un tueur aussi méthodique.

Ce personnage a véritablement semé la terreur parmi les femmes de la région de Nogent-sur-Oise. Et il aura fallu la détermination sans faille d’un enquêteur, prêt à mettre en péril sa propre vie de famille, pour parvenir à l’identifier. C’est cette traque haletante que le spectacle nous retrace, du début à la fin.

Même si le rythme peut parfois sembler un peu lent (à la manière de l’émission "Faites entrer l’accusé"), l’histoire reste captivante et on a envie de savoir comment la vérité a fini par éclater. J’ai aussi beaucoup apprécié la mise en scène, notamment l’utilisation des ombres et de la vidéo, très réussie. Mention spéciale également pour le travail sur les costumes : les comédiens incarnent plusieurs rôles et changent de tenue en un éclair. J’ai même été surprise de constater qu’ils n’étaient que cinq sur scène ! Une belle performance, à saluer.

 

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Trésor national

⭐⭐⭐⭐

À l'aube de sa mort, Esra, icône du cinéma turc, demande à sa fille Hülya d’écrire un discours pour ses funérailles. Hülya accepte à contrecœur de replonger dans un passé qu’elle avait tenté d’oublier et se lance dans une quête de vérité sur la disparition de son père.

Inspiré du roman éponyme et brillamment incarné par une Julie Cavanna magistrale, Trésor National nous transporte dans le bouillonnement d’Istanbul des années 60, à l’âge d’or du cinéma turc. Sur un fond éminemment politique (marqué par trois coups d'État), la pièce raconte avant tout le destin d’une femme à la fois fascinante et dérangeante : une diva flamboyante, complexe, insaisissable, qui a vécu intensément sans vraiment se soucier des dégâts qu'elle pouvait causer autour d'elle. Ce drame romanesque prend une dimension émouvante à travers le regard de sa fille, qui, des années plus tard, la tient encore pour responsable de la disparition de son père. 

Le spectacle, qui nous fait vivre une large palette d’émotions, est une belle réussite. Il est servi par une distribution remarquable, une mise en scène fluide et quelques chansons magnifiquement interprétées. 

 

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La ligne rose

⭐⭐⭐

Dans le Paris des années 20, l’histoire folle de trois opératrices des PTT qui ont lancé le téléphone rose!

Quel meilleur moyen de lancer le festival qu’avec une comédie à la fois pétillante, légère, tendre et un brin impertinente ? Enfin… légère, pas tout à fait ! Derrière les apparences, un propos plus engagé émerge subtilement : celui de la condition féminine et plus largement du féminisme.

Plongés dans les années 1920, juste après l’horreur de la guerre, on suit avec plaisir les péripéties de trois femmes aussi différentes qu’attachantes. Leur quotidien, régi par par les normes de l’époque (autorité paternelle omnipotente, liberté de penser quasi inexistante, métiers subalternes) est bouleversé lorsqu’elles découvrent par hasard les défis du téléphone rose.

Le propos est audacieux : raconter l’émancipation féminine à une époque où elle semblait impossible. On rit beaucoup, on est parfois touché, et on ressort charmé par ce spectacle enlevé, drôle et bien mené.

Attention, mieux vaut éviter d’y emmener les plus jeunes, certaines scènes étant un peu... croustillantes !

 

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Le destin se moque des choix

⭐⭐⭐✨

Dans la salle d'attente des Urgences, Mathilde attend des nouvelles de son mari après un incendie, tandis que Pilar espère des réponses sur l’état de son fils après un accident. Face à la situation, elles se posent la même question : auraient-elles pu, un jour, faire un choix différent pour ne pas se retrouver ici ?

Il est difficile de définir cette pièce, tant elle alterne avec audace entre le drame et l'humour. Ce choix, pleinement assumé, peut parfois désarçonner, tout comme la construction narrative : deux histoires se déroulent en parallèle, et le spectateur passe une grande partie du spectacle à se demander comment elles finiront par se rejoindre.

J’ai, dans un premier temps, été déroutée, d’autant que le propos, souvent philosophique ("Sommes-nous réellement maîtres de notre destin ?"), ajoute une couche de complexité. Mais le final, extrêmement réussi, donne tout son sens à l’ensemble. L’écriture, fine et intelligente, se révèle assez remarquable. À la sortie, j’étais non seulement conquise par la chute de la pièce, mais aussi par la performance des comédiennes, capables de nous faire passer avec une grande justesse des larmes au rire. 

 

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Les Rochambelles

⭐⭐⭐⭐

Découvrez l'incroyable histoire vraie de la seule section féminine sur le front allié en 1944 !

Qui connaît les Rochambelles ? Très peu de monde, et certainement pas moi avant d’assister à ce spectacle. Et pourtant, quelle histoire ! Celle de trente femmes audacieuses qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, ont bravé tous les préjugés pour s'engager comme ambulancières aux côtés du général Leclerc. Ce sont leurs parcours que raconte cette pièce, écrite avec cœur par la petite-fille de l’une d’entre elles.

Le spectacle leur redonne la place qu’elles méritent dans notre mémoire collective, en rendant hommage à leur courage, leur ténacité, et à la manière dont elles ont surmonté le sexisme et les dangers de la guerre pour servir une cause plus grande qu’elles.

La mise en scène est d’une grande ingéniosité, jouant habilement avec l’espace, la lumière et les décors pour faire voyager le spectateur dans le temps, du front aux coulisses de l’armée, de New York à Paris en passant par Rabat. Chaque détail est soigné, chaque transition fluide, et rien n’est laissé au hasard. Le tout est soutenu par une distribution remarquable : les comédiens et comédiennes incarnent avec justesse des personnages touchants, drôles parfois, bouleversants souvent.

L’histoire est à la fois passionnante et profondément émouvante. On découvre des figures effacées de l’histoire officielle, et l’on se demande, presque avec indignation : pourquoi n’a-t-on jamais entendu parler de ces femmes dans les livres d’histoire ?

Le rythme est soutenu, sans temps mort. La pièce parvient avec brio à mêler récit historique, émotion et réflexion sur la place des femmes dans les conflits armés.

C’est un spectacle d’une grande intelligence, aussi nécessaire qu’émouvant. Une véritable réussite à voir absolument.

 

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Manuel de la jeune mariée 1957

⭐⭐⭐⭐

Nous sommes en 1957. À la veille de leur mariage, cinq futures mariées étudient consciencieusement un manuel de bonnes convenances qui leur distille de précieux conseils. Un joyeux témoignage du chemin parcouru.

J’ai adoré ce spectacle, car il réunit tout ce que j’aime : beaucoup d’humour, une émotion bien dosée, et surtout, un vrai propos. Ce qui m’a frappée d’abord, c’est l’intelligence de l’écriture. Sans jamais sombrer dans le militantisme ni dans la provocation gratuite, la pièce, écrite par Virginie Lemoine, se révèle profondément féministe. Sous les conseils rétrogrades du manuel, qui prônent une soumission totale des femmes à leur mari, se cache une critique fine et acérée de la société patriarcale des années 50, où la femme était reléguée au rang de faire-valoir, de ménagère ou de mère au foyer, sans autre ambition permise. Il y a de quoi être terrifié en voyant la condition des femmes il y a à peine 70 ans, mais c’est aussi porteur d’espoir : la société a évolué, même si le chemin reste encore long.

C’est brillamment écrit, c’est extrêmement drôle, et la mise en scène, précise et inventive, sert à merveille le propos. Quelques chansons viennent ponctuer le récit, portées par l’harmonie vocale des cinq comédiennes, toutes excellentes, et accompagnées en direct par le talentueux Stéphane Corbin. Pipe au bec, ce dernier s’amuse aussi à incarner, avec malice, les rares personnages masculins. 

En somme, un spectacle complet, porté par une distribution sans faille, à la fois mordant et émouvant, qui réussit à faire rire tout en faisant réfléchir. Ne vous laissez pas dérouter par les premières minutes, c'est un petit bijou à ne surtout pas manquer !

 

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Rose Royal

⭐⭐⭐⭐

Je m’appelle Rose. J’ai 50 ans. Je m’en fous, j’ai de beaux restes. Et avec les mecs, je sais me défendre. Je peux vous dire que le dernier type avec qui je suis sortie a eu chaud. Un soir, il matait le JT pendant que j’étais au téléphone. Il m’a dit :
« Mais tu vas fermer ta gueule !? »
Motif : je l’empêchais de mater Delahousse.
Et j’ai vu…La crispation sur son visage… Il allait m’en coller une. Le lendemain je m’offrais un calibre 38 et une boite de cartouche, 650 euros sur un site américain. Je m’appelle Rose. J’ai 50 ans. La peur doit changer de camp.

Adapté du roman éponyme, Rose Royal est un seul en scène intense, porté avec brio par une comédienne absolument bouleversante. Sur scène, seule, Anne Charrier incarne Rose, une femme d’une cinquantaine d’années, libre, indépendante, célibataire assumée et moderne.  Jusqu’au jour où elle croise la route de Luc, un homme apparemment sans histoire. Mais derrière les apparences se cachent parfois des pièges, et Rose, malgré sa lucidité, va peu à peu se retrouver embarquée dans un engrenage qu’elle s’était pourtant juré d’éviter.

Je ne connaissais pas Anne Charrier avant ce spectacle, et j’ai été littéralement scotchée par la puissance de son interprétation. Son jeu est d’une justesse et d’une retenue remarquables. Dans un seul en scène, les acteurs peuvent parfois  se laisser emporter dans un flot de paroles, mais ici, chaque mot trouve sa place, chaque silence résonne. On sent chez elle une vraie intelligence du texte et une capacité rare à transmettre les nuances d’un personnage complexe. Le texte est à la fois brut, sensible, et plein de sous-entendus. L’histoire prend son temps, installe une tension jusqu’à un final percutant, que je n’ai, personnellement, pas vu venir et qui m’a littéralement saisie.

Cette pièce n’est pas à mettre devant tous les yeux. Certains passages sont violents voire dérangeants. Ce n’est pas un spectacle confortable. Et pourtant, j'ai été suspendue aux lèvres de la comédienne du début à la fin. Rose Royal est de ces spectacles qui bousculent, qui dérangent. Il ne laissera personne indifférent, et c’est là, sans doute, sa plus grande force.

Petite recommandation: il se joue en extérieur, attention aux moustiques.

 

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Y'a de la joie

⭐⭐⭐✨

Avant ça, j’avais essayé le bonheur avec un grand B : celui d’Instagram, des citations inspirantes et des méthodes de développement personnel. Résultat : j’ai coché toutes les cases… sauf celle du bonheur. Alors j’ai tenté de comprendre. J’ai lu, testé, et fait des rencontres… étonnantes ! Et je vous embarque dans cette quête drôle, sensible, et surtout joyeuse !

Michael Hirsch, c’est ce type doux, drôle et terriblement attachant qu’on a instinctivement envie d’écouter. Alors, difficile de résister à l’appel de son nouveau spectacle. Figure désormais familière du public avignonnais, il revient avec un seul en scène à la fois profond, tendre et délicatement drôle. Révélé au grand public notamment grâce à son rôle marquant dans Le Montespan, il confirme ici toute l'étendue de son double talent : c'est un excellent comedien et un auteur à la plume fine et intelligente. Dans ce spectacle, sans doute le plus personnel de sa carrière, Hirsch délaisse en grande partie les jeux de mots qui faisaient sa marque pour s’interroger sur une question aussi universelle que vertigineuse: "comment trouver (ou retrouver) la joie de vivre?". Le propos, nourri de vraies recherches scientifiques et philosophiques, est accessible. On rit souvent, on sourit beaucoup. Certains passages gagneraient peut-être à être plus resserrés, mais ces légers flottements n’entament en rien la sincérité du propos. Il en ressort une belle envie de savourer les petites choses, d’ouvrir nous aussi un petit carnet… Bref, de vivre.

 

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Le malade imaginaire

⭐⭐⭐⭐

Tout le monde connait Le Malade Imaginaire, l’oeuvre ultime de Molière. Enfin, c’est ce qu’on croyait !

Voilà maintenant deux ans que je suis avec attention le travail de Tigran Mekhitarian, depuis cette soirée marquante au théâtre des Beliers où sa performance m’avait bluffée dans La Maladie de la famille M. L’an dernier, sa version de Dom Juan avait été l’un de mes spectacles favoris du festival, c’est donc avec une impatience certaine que j’attendais son Malade Imaginaire. Et le possessif est ici pleinement justifié : une fois encore, il s’empare du texte de Molière avec audace et intelligence pour en livrer une version très personnelle et résolument contemporaine.

Le texte original est respecté dans ses grandes lignes, mais habilement dynamisé par des clins d’œil modernes, quelques envolées familières qui font toujours leur effet et des touches de rap distillées avec parcimonie. À travers ce mélange des genres, c’est tout l’amour de Mekhitarian pour Molière et la langue française qui transparaît. Sa volonté de rendre le théâtre classique accessible à tous, y compris aux plus jeunes, est plus qu’évidente.

La réussite de ce Malade Imaginaire repose aussi sur une distribution sans faute. Tigran Mekhitarian, en plus de sa mise en scène inventive, incarne Argan  et parvient à conjuguer humour, fragilité et dérision avec intensité et aisance, tout en laissant à chacun de ses partenaires l’espace de s'exprimer pleinement.

Certes, l’effet de surprise était un peu moins fort que l’an passé, mais cette nouvelle proposition reste brillante. Ceux qui découvriront son univers pour la première fois seront sans doute aussi étonnés que séduits. 

Un brin de provocation, beaucoup d’inventivité, et surtout un immense respect du texte original : c’est ce savant dosage qui fait (et continuera sans doute longtemps de faire) le succès de ce talentueux metteur en scène.

 

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Fin, fin et fin

😳😳😳😳

La folle aventure de trois ami.e.s qui sont allé.e.s pique-niquer pendant la fin du monde.

Je crois bien avoir assisté au spectacle le plus indescriptible de ce festival. Une expérience théâtrale déroutante, excessive, absurde et profondément singulière. Le genre de proposition qui divise, qu'on adore ou qu'on déteste, mais qui ne laisse pas de marbre. Impossible pour moi de lui attribuer une note, mais tout aussi impossible de ne pas en parler.

Les comédiens, jeunes et talentueux , déploient une énergie hallucinante. Ils se jettent dans cette histoire avec un mélange de folie assumée et d’intelligence comique. C’est surprenant, souvent absurde, mais drôle, vraiment drôle.

Quant à l'histoire… que dire ? Avec "Fin, fin et fin", l’auteur ne se contente pas de bousculer les codes du théâtre, il les piétine. Ce spectacle ne ressemble à rien de connu. Peut-être même ne ressemble-t-il à rien du tout. Et pourtant, c’est d’une précision remarquable, foisonnant de trouvailles, d’humour, de chaos savamment orchestré, et d’une certaine profondeur malgré les apparences. 

Alors oui, certains spectateurs resteront totalement hermétiques à cette proposition radicale. D’autres y verront un coup de génie. Mais une chose est certaine: "Fin, fin et fin" ne laissera personne indifférent.

 

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Le miracle des grenouilles

⭐⭐⭐✨

Trois sœurs se retrouvent pour une soirée dans la maison de leur enfance. À l’étage, leur mère délirante ne parle plus qu’à des singes et à un mystérieux saint oublié. Aucune des sœurs ne semble vouloir monter l’escalier qui mène à sa chambre. Alors on boit, on parle, on hurle, on esquive. Entre visions mystiques, règlements de comptes, vieilles chansons et corps qui lâchent, la tragédie prend des airs de comédie (ou l’inverse).

Décidément, le Théâtre des Béliers ne recule devant rien cette année et ose une programmation aussi éclectique qu’ambitieuse. "Le Miracle des grenouilles" en est une belle démonstration. Une mère malade, trois sœurs, des non-dits, des rancœurs : sur le papier, le sujet semble classique, presque déjà vu. Et pourtant, la pièce surprend par sa finesse d’écriture, son humour noir bien dosé et une mise en scène inventive.

Ce qui fait la force du spectacle, c’est ce subtil équilibre entre tension dramatique et humour. On rit, on est tantôt mal à l’aise, tantôt ému, mais on reste toujours suspendu à leurs lèvres. Les comédiennes, toutes extraordinaires, livrent des performances intenses, habitées, qui donnent vie à cette famille bancale et touchante. Elles ne jouent pas, elles incarnent leur personnage. À tel point qu'on en vient parfois à croire que certains moments sont improvisés, tant les dialogues semblent naturels.

Il y a dans cette pièce un grain de folie réjouissant, une liberté de ton qui détonne et qui pourra peut-être désarçonner certains. Mais pour tous ceux qui aiment un théâtre vivant, audacieux et sensible, c’est une vraie réussite.

 

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Les Goguettes : troisième quinquennat

⭐⭐⭐⭐

Après 2 ans de tournée et un Olympia complet à Paris, Les Goguettes reviennent au Festival OFF avec leur nouveau spectacle !

J’avais découvert Les Goguettes (en trio mais à quatre) il y a quelques années à Avignon, totalement par hasard. À l’époque, peu de gens les connaissaient et je n’en avais jamais entendu parler. J’avais été bluffée par leur originalité, leur humour et leur talent. C’était avant le confinement, avant leur explosion médiatique grâce à leur reprise de "Vierzon" qui les a révélés au grand public. Depuis, leur ascension ne s’est jamais arrêtée : tournées à guichets fermés, Olympia et grandes salles parisiennes, le succès est au rendez-vous, et il est amplement mérité.

Mais au fait, c’est quoi une goguette ? C’est l’art de détourner une chanson connue en en réécrivant les paroles, souvent pour commenter l’actualité avec mordant et irrévérence. Et dans ce domaine, ils excellent.

Je l’avoue, je suis arrivée déjà conquise. Mais même en connaissant leur univers, j’ai été impressionnée. Leur nouveau spectacle est une démonstration de leur talent à tous les niveaux. Les textes sont finement écrits, brillants, intelligents et pleins d'autodérision. Ils chantent, ils jouent de la musique, ils nous font rire et ils le font avec une énergie communicative.

Même si j'adresse une mention spéciale à Clémence Monnier, virtuose du piano, dont les doigts dansent littéralement sur les touches, c'est bien l’ensemble du quatuor qui fonctionne à merveille. Leur complicité, leur sens du rythme, leur aisance scénique... tout est maîtrisé.

Le plus bluffant reste peut-être leur réactivité face à l’actualité. Entre le divorce Trump/Musk, les 40 milliards d’économies à faire ou encore les multiples clins d'œil à Avignon, certaines chansons ont manifestement été réécrites pour l’occasion, preuve d’un travail d’adaptation impressionnant. Et surtout, personne n’est épargné : la droite, la gauche, les écolos... chacun en prend pour son grade, et c’est ce qui rend le spectacle universel.

En résumé : un pur moment de bonheur, d’intelligence et de rire. Idéal pour clore une journée au Festival. Mais attention : les places partent vite. Ne traînez pas.

 

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La fleur au fusil

⭐⭐⭐

Quand son petit-fils l’interroge sur sa vie, Céleste, émigrée portugaise en France, convoques-en sa mémoire les souvenirs passés de sa jeunesse muselée par la dictature de Salazar…

Dans La Fleur au fusil, on découvre un pan de l’Histoire portugaise souvent méconnue: la Révolution des Œillets. Ce seul en scène, aussi touchant que vibrant, nous plonge dans le récit d’une grand-mère à son petit-fils, à qui elle révèle, avec tendresse, qu’elle a joué un rôle décisif dans cette révolution aux côtés de son futur mari.

La mise en scène, quasi chorégraphiée, est d’une grande fluidité et les transitions s’enchaînent avec élégance. 

Mais c’est surtout la performance du comédien qui impressionne. Seul sur scène, il incarne avec une aisance remarquable une galerie de personnages sans jamais tomber dans la caricature. Il passe d’un rôle à l’autre avec une précision bluffante. Il nous fait rire, nous touche, nous captive.

La Fleur au fusil est un bel hommage à ces héros anonymes qui changent le cours de l’histoire. Un spectacle simple, intelligent et profondément humain.

 

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Le chant des lions

⭐⭐⭐⭐✨

Les histoires d’amour finissent souvent mal. Mais certaines changent le cours de l’Histoire.

1933. Germaine Sablon, l'une des chanteuses les plus populaires de la capitale, se produit dans un cabaret. Dans le public se trouve Joseph Kessel, journaliste, auteur, aviateur et aventurier. Leur coup de foudre est immédiat mais la guerre arrive et transforme la vie de ces deux amants.

Aujourd’hui, toutes les chansons de Germaine Sablon sont tombées dans l’oubli... Toutes, sauf une. celle qu’ils ont créée ensemble : Le Chant des partisans.

Mon premier véritable frisson du festival, je l’ai ressenti lors de la scène finale du "Chant des lions". Une scène intense, à la fois sobre et bouleversante, qui vient clore un spectacle brillant qui, dès les premières minutes littéralement emportée.

Il faut dire que tous les éléments étaient réunis pour me séduire: un récit historique passionnant, une mise en scène signée Charlotte Matzneff, et un texte coécrit par Julien Delpech et Alexandre Foulon, duo d'auteurs que j’avais déjà adoré dans Les Téméraires. Mais "Le Chant des lions" ne se contente pas de cocher les bonnes cases, il va au-delà. 

J’ai absolument tout aimé dans cette pièce. Les comédiens sont remarquables de justesse et la voix de Vanessa Cailhol, à elle seule, pourrait résumer l’émotion de ce spectacle: douce, vibrante, chargée de douleur et d’espoir.  L’histoire, qui mêle faits réels et fiction romanesque, est aussi instructive que haletante.

La mise en scène est, à mes yeux, le travail le plus abouti de Charlotte Matzneff. L’espace est exploité avec intelligence et chaque déplacement semble chorégraphié avec précision. Mais ce qui rend ce spectacle véritablement unique, c’est l’utilisation du talent de Mehdi Bourayou. Ici, pas de bande-son enregistrée : il crée en direct la musique et les bruitages, grâce à une multitude d’objets sonores technologiques, tout en interprétant plusieurs rôles. C’est une performance discrète mais essentielle, qui rend ce spectacle totalement unique.

Mêlant Histoire, aventure, amour, drame, suspense, et même cabaret, "Le Chant des lions" nous plonge dans la Seconde Guerre mondiale à travers une fresque sensible et passionnante. Le public ne s’y trompe pas : la salle est comble à chaque représentation. Un spectacle magnifique que je recommande sans la moindre hésitation.

 

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Un soupçon d'amitié

⭐⭐⭐⭐

À quel moment la loyauté doit-elle s’incliner devant la suspicion ? Voilà la question à laquelle Daniella et Louis sont confrontés.
Nous sommes en Argentine, en décembre 1961.
On frappe à leur porte. Simon, un inconnu, vient faire des révélations sur Joachim, l’ami qui leur est le plus cher, celui qu’ils considèrent comme un frère…
Et vous, que feriez-vous si votre meilleur ami était suspecté des pires atrocités ?

Ce spectacle réunit tous les ingrédients d’une véritable réussite: un sujet passionnant, une mise en scène élégante, et une distribution d’une grande justesse. Il ose aussi un savant mélange des genres, alternant entre théâtre, danse et chant. Ces respirations musicales, portées avec grâce par Ariane Brousse, apportent une touche de poésie. La comédienne passe avec une aisance remarquable d’un registre à l’autre, tout en gardant une sincérité de jeu qui touche en plein cœur.
J’ai été embarquée par l’histoire, dont la tension dramatique se construit crescendo, jusqu’à un final d’une intensité saisissante. 
C’est du beau théâtre, intelligent, sensible et brillamment interprété qui mérite un grand succès dans ce off.

 

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Le journal de Maïa

⭐⭐⭐✨

Deux amies de treize ans, Maïa et Alicia, traversent les remous de l’adolescence. Elles vivent quelques épreuves avec humour et légèreté, jusqu’à ce que Maïa affronte ses premiers troubles. Elle commence alors l’écriture d’un journal…

Bien que ce spectacle s’adresse en priorité aux adolescents et qu’il semble parfaitement calibré pour être joué dans les établissements scolaires, il mérite largement d’être découvert par un public bien plus large. Grâce à une écriture fine et au jeu des deux comédiennes, cette pièce touche juste, quel que soit l’âge de celui ou celle qui la voit.

Le thème de l’anxiété adolescente, au cœur du récit, est traité avec habileté. Le personnage d’Alicia, avec sa légèreté et ses pointes d’humour, offre un contrepoint salutaire à la gravité du propos. Le message final, profondément optimiste, ouvre des perspectives et propose des pistes concrètes à tous les jeunes qui pourraient se reconnaître dans le parcours de Maïa. Une pièce utile et profondément humaine à faire tourner sans modération dans tous les collèges de France, en espérant qu'elle permettra de libérer la parole de certains.

 

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Made in France

⭐⭐⭐⭐

Après tout ce temps passé à l’attendre derrière les barreaux, ça y est, Emile a obtenu sa peine aménagée. Dès demain, il passera ses journées à l’usine et ses nuits en centre de détention, de quoi rêver d’une sortie rapide pour bonne conduite. Problème : l’usine où il s’apprête à travailler délocalise. Émile n’a plus le choix : pour se sauver, il faut qu’il devienne le meilleur des syndicalistes, sauve l’usine, ses collègues et, peut-être, au passage, le pays tout entier. Made in France est un spectacle qui raconte le combat d’hommes et de femmes prêts à tout pour sauver l’industrie française... enfin... à tout, sauf à faire quelque chose.

Avec "Made in France", la compagnie La Poursuite du Bleu confirme son engagement artistique et citoyen. Après le remarquable "Coupures", elle revient avec une nouvelle création à la fois percutante et drôle. Le titre annonce la couleur: il sera question de politique et de société sur fond de désindustrialisation.

Servie par une écriture affûtée et un jeu d'acteurs toujours aussi juste, la pièce mêle intelligemment humour et réflexion. On retrouve cet humour qui faisait déjà le charme de leur précédent spectacle. La mise en scène, d'une grande ingéniosité, repose sur très peu d'éléments: une batterie (qui symbolise à la fois le vacarme des machines, la révolte ouvrière et permet de réaliser des effets sonores) et quelques grands panneaux noirs suffisent à recréer l’univers de l’usine.

Tout démarre par un savoureux quiproquo qui plonge le personnage principal dans une usine en grève, menacée de fermeture et de délocalisation. Ce point de départ donne aux auteurs l’occasion de tirer à boulets rouges sur tout un système: le patronat, les politiques, les investisseurs, les syndicalistes… Personne n’est épargné.

"Made in France" est une comédie politique aussi réjouissante qu'engagée. Elle amuse, révolte, interpelle et séduit. Les salles sont pleines, le public conquis, et les listes d’attente s’allongent. Un succès pleinement mérité.

 

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Zoom

⭐⭐⭐⭐

L’amour incommensurable d’une mère pour son fils, prête à tout pour lui offrir la meilleure vie possible.

Dans ce texte ciselé et haletant, cette mère courage qui n’a pas les mots, a en revanche aucune limite pour son fils qu’elle embarque sur les routes de France en quête d’un rêve hollywoodien.

Un (presque) seul en scène à 10h du matin, après douze jours intenses de festival : le pari était risqué. Et pourtant, quelle révélation. Avec cette adaptation de Zoom, pièce écrite il y a une quinzaine d’années par Gilles Granouillet, Pamela Ravassard confirme, s’il en était encore besoin, qu’elle est une comédienne et metteuse en scène désormais incontournable du paysage théâtral français.

Difficile de ne pas commencer par sa performance, tout simplement magistrale. Elle incarne, avec une intensité foudroyante, une mère débordante d’amour, de peur, de frustrations, et surtout de rêves projetés. Une femme extravertie, étouffante, qui vit à travers son fils comme on tente de remplir le vide d’une existence déçue. Le portrait est aussi glaçant qu’émouvant, et ce qui frappe le plus, c’est sans doute la transformation complète de la comédienne. Lorsqu’on la voit saluer à la fin du spectacle, calme, douce, lumineuse, on peine à croire qu’elle vient d’incarner cette mère volcanique. Une véritable métamorphose d’actrice.

La mise en scène est d’une grande finesse. Le décor pourrait sembler épuré, mais chaque élément, chaque position, chaque lumière a du sens. Un grand écran blanc trône en fond de scène : sa couleur évolue subtilement au fil du spectacle, reflétant les humeurs du personnage. 

La musique, enfin, distillée avec parcimonie, joue un rôle essentiel. Parsemée de références au cinéma, elle accompagne l’histoire avec justesse, sans jamais l’écraser. Elle fait écho au fantasme de cette mère, qui rêve pour son enfant une carrière sous les projecteurs. Une mère qui veut le bonheur de son fils, mais à travers une vision totalement façonnée par ses propres manques.

Zoom est un spectacle bouleversant, dérangeant parfois, mais toujours juste, porté par une comédienne incandescente et une mise en scène parfaitement maîtrisée.

Un moment rare à ne pas manquer.

 

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Toutes les choses géniales

⭐⭐⭐⭐

C’est l’histoire d’un enfant qui, pour redonner le goût de vivre à sa maman, rédige une liste de tout ce qui est génial dans le monde, tout ce qui apporte de la joie :
1- Les glaces. 2- Les batailles d’eau. 3- Rester debout après l’heure habituelle...
L’enfant grandit et la liste s’allonge… jusqu’à atteindre un million de choses géniales !
Abordant sur un ton léger le thème de la résilience en mêlant comédie et improvisation, ce spectacle est une expérience collective jubilatoire où le public est invité à prendre part à l’histoire.

"Toutes les choses géniales" est un spectacle profondément touchant, porté par une simplicité qui fait toute sa force. En mêlant habilement humour et émotion, il aborde avec finesse un sujet grave: la dépression, vue à travers les yeux d’un enfant qui cherche à redonner goût à la vie à sa mère en dressant une liste de tout ce qui, selon lui, rend le monde merveilleux.

Sur scène, un seul comédien : Stéphane Dauray, lumineux, et incroyablement juste. Il incarne ce récit avec sincérité, naviguant sans effort entre tendresse, naïveté et gravité. Son interprétation donne une profondeur particulière au texte, qui ne verse jamais dans le pathos malgré le thème abordé.

L'une des particularités de la pièce réside aussi dans son interactivité. Le public, régulièrement sollicité, devient complice du jeu, créant une proximité rare entre scène et salle. Ce dispositif renforce l’universalité du propos, chacun pouvant rire, et parfois se reconnaître dans cette liste.

"Toutes les choses géniales" est une œuvre précieuse : accessible, intelligente, bouleversante et joyeuse. Un spectacle qui nous rappelle, avec pudeur et humanité, la beauté des petites choses, et l’importance de les célébrer.

 

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Le jeu de l'amour et du hasard

⭐⭐⭐✨

Pour sonder la sincérité de Dorante, qu’on lui destine sans l’avoir jamais rencontré, Silvia échange son habit avec sa servante Lisette. Ce qu’elle ignore, c’est que son prétendant a recours au même stratagème avec son valet Arlequin. Ainsi travestis, les deux couples seront donc les dupes de ce jeu de hasard et d’amour orchestré par le père de Silvia et son fils Mario. Parviendront-ils à sortir de ce cruel labyrinthe amoureux ? C’est évidemment tout l’enjeu de ce scénario génial, épuisant pour ceux qui en sont les victimes, réjouissant pour ceux qui les manipulent.

Terminer un festival intense par un spectacle d’1h45 à 21h45 n’était peut-être pas l’idée la plus brillante que j’aie eue. Et je le reconnais volontiers : mon état de fatigue a sans doute influé sur mon ressenti. Car si je n’ai pas été conquise de bout en bout, ce n’est pas tant à cause de la qualité du spectacle, loin de là, que du texte lui-même.
Sur le plan scénique, il n’y a pas grand-chose à redire. Les comédiens livrent une partition très maîtrisée, avec un vrai sens du rythme et une belle énergie. La mise en scène, résolument moderne, joue habilement avec les codes et réussit à dépoussiérer le Marivaux sans jamais le trahir. On sent une vraie proposition, cohérente et inventive, qui donne un coup de jeune à ce grand classique.
Là où je décroche un peu, c’est du côté de l’intrigue. Comme souvent chez Marivaux, les quiproquos amoureux s’étirent, les jeux de masques se prolongent, et la résolution se fait attendre… longtemps. Trop longtemps. La fin, en particulier, m’a semblé ne jamais vraiment arriver.
Mais je dois rester honnête: ce n’est pas tant la faute de la compagnie que de Marivaux lui-même. Si vous aimez l’auteur, ses mécaniques théâtrales et ses dialogues ciselés, cette adaptation vous ravira à coup sûr. Et si vous ne le connaissez pas encore, c’est sans doute l’une des meilleures manières de le découvrir aujourd’hui: dans une version vive, contemporaine, et portée par une troupe investie.

 

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J'ai 8 ans et je m'appelle Jean Rochefort

⭐⭐⭐✨

Rosalie Pierredoux, 8 ans, sent toute la tristesse du monde peser sur ses épaules. Un matin, sans prévenir, Jean Rochefort et sa moustache vont changer son regard.

Difficile de commencer cette critique sans saluer d’emblée la performance éblouissante de Thomas Drelon. Il incarne avec une justesse rare la délicate Rosalie, une fillette qui, du jour où elle se réveille affublée d’une moustache, se persuade qu’elle est Jean Rochefort. Et paradoxalement, c’est ce postiche incongru qui lui permet enfin de s’affirmer, de prendre confiance en elle, et d’embrasser sa différence.

Le spectacle ose le surréalisme, et il faut accepter d’entrée de jeu ses partis pris décalés : oui, une petite fille de huit ans s’exprime comme un académicien ; oui, elle se réveille avec une moustache et arrive à s'exprimer comme Jean Rochefort. Mais une fois cette poésie absurde intégrée, on se laisse emporter par ce récit tendre, drôle et profondément humain.

Entre rires et émotions, cette fable moderne parle de dépression infantile, d’acceptation de soi et du pouvoir de l’imaginaire. Un moment de théâtre singulier, qui touche autant les enfants que les adultes.

 

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J'oublie tout

⭐⭐⭐✨

Julien, jeune garçon du sud de la France, entend pour la première fois le rappeur Jul à la radio. Il devient fan, de sa musique, de ses messages, de son mode de vie. Lui, le jeune “chien de la casse” s’identifie dans l’artiste marseillais qui devient une véritable bouée de sauvetage dans sa vie. Un jour dans une église, Julien a une apparition. La vierge Marie lui apprend qu’il porte le même nom que Jul: Julien Marie. Il est l’élu.

Autant être honnête : en entrant dans la salle, j’étais sceptique. Le pitch (un jeune qui devient obsédé par Jul jusqu’à en faire un modèle de vie) me faisait craindre un long monologue plein d’autotune et de références auxquelles je ne comprendrais rien. Et pourtant, j’ai passé un excellent moment.

"J’oublie tout" n’est pas un spectacle sur Jul. C’est un spectacle sur l’admiration, la quête d’identité, le besoin de repères, surtout quand on est jeune. 

Ce qui rend ce choix d’autant plus pertinent, c’est que Jul n’a pas été choisi au hasard : il est l’idole d’une génération entière, et surtout, il vient du même Sud que le comédien. Le lien est personnel, sincère, et donne au spectacle une dimension mi-fictionnelle, mi-autobiographique.

Et si le fond est sérieux, la forme reste légère, vivante, très souvent drôle. Le comédien possède une vraie aisance. Dès l’entrée en salle, il crée une proximité immédiate et sincère avec le public : il salue chacun, improvise, échange. On sent chez lui une générosité et une envie de partage, sans jamais tomber dans la facilité.

Le texte, finement écrit, évite tous les écueils attendus. Inutile d’être fan de Jul (et fort heureusement pour moi, on entend très peu sa musique) pour être touché. Ce n’est pas le chanteur qui est célébré ici, mais ce qu’il peut représenter: un refuge, un cap dans le flou de la jeunesse. Et c’est là que le spectacle devient universel.

L’humour est bien présent, mais toujours dosé avec justesse. On rit souvent, mais jamais au détriment de l’émotion.

Porté par un comédien à la fois naturel, drôle et touchant, "J’oublie tout" est une très belle surprise. Un seul en scène qui émeut, fait sourire et interroge notre rapport à nos propres idoles.

 

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Une bonne bière

⭐⭐⭐

Quatre frères et sœur, que tout oppose, se retrouvent dans leur maison d’enfance pour organiser la mise en bière de leur père. Entre rires, piques et souvenirs, les conflits et les secrets de famille explosent… 

Dire que je suis un public difficile pour les comédies relève presque de l’euphémisme. Autant dire que faire mouche avec moi n’est pas chose aisée. Et pourtant… Cette pièce a réussi le pari. Dès les premières minutes, on sent que les codes du genre sont parfaitement maîtrisés: situations cocasses, dialogues bien ficelés, personnages hauts en couleur... Rien de révolutionnaire sur le papier, mais une redoutable efficacité sur scène.

Il faut dire que la distribution y est pour beaucoup. Mention spéciale à Xavier Martel, que j’avais déjà remarqué et apprécié dans Gagnant-Gagnant et à son acolyte Gilles Dyrek, encore et toujours dans son rôle de loser (pas si loser) tellement attachant. Ici encore, ils confirment leur sens du timing comique et leur présence scénique. L’ensemble du casting fonctionne à merveille, formant un quatuor de personnages volontairement caricaturaux, mais jamais lourds ni agaçants. Juste ce qu’il faut pour embarquer le spectateur dans une mécanique bien huilée.

Certes, certains thèmes abordés, plus profonds qu’il n’y paraît, auraient pu mériter un traitement plus poussé. Mais cela aurait sans doute changé le ton général du spectacle, qui assume pleinement sa légèreté et son envie de faire rire. Et sur ce point, c’est une réussite.

En bref, si vous cherchez un moment de détente, une comédie efficace et bien jouée, n’hésitez pas: cette pièce est faite pour vous. Même les plus grincheux (dont je fais partie) pourraient bien se surprendre à rire. 

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Eclats de vies

⭐⭐⭐⭐✨

Dans Éclats De Vies, chaque pas résonne comme un cri d'émotion, chaque mouvement raconte une histoire, chaque danseur incarne une part de nous-mêmes.

Je n’aurais jamais imaginé être autant bouleversée par un spectacle de danse. Et pourtant… "Éclats de vie" dépasse largement le cadre de la performance chorégraphique: ce n’est pas simplement une démonstration de technique ou d’endurance, c’est une œuvre profondément humaine.

Ce qui distingue ce spectacle des autres spectacles de danse, c’est avant tout sa construction narrative d’une rare intelligence. Chaque tableau, car le mot n’a jamais été aussi bien employé, raconte une histoire forte, poignante, sans un seul mot. Par la seule force du mouvement, les danseurs parviennent à faire surgir des émotions d’une grande intensité. Les thèmes abordés sont graves et universels: violences (familiales, sociales, systémiques), burn-out, handicap, exclusion, dépendance… autant de réalités souvent tues, ici mises en lumière avec un immense talent.

Les musiques choisies ne sont pas de simples accompagnements: elles nourrissent le propos voire l’amplifient. Et que dire des jeux de lumière, qui sculptent littéralement les corps et renforcent la dramaturgie de chaque scène?

Quant à la fin, que je ne révélerai pas, elle est bouleversante mais profondément porteuse d’espoir. On quitte la salle à la fois remué et touché en plein cœur.

"Éclats de vie" est un petit bijou, une expérience sensorielle et émotionnelle rare, à ne manquer sous aucun prétexte. Même si vous pensez ne pas aimer la danse, ce spectacle pourrait bien vous faire changer d’avis.

 

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La tête ailleurs

⭐⭐⭐

Norah est une jeune femme pour qui tout va bien. Tout va bien à l'exception d'un petit problème : dès qu'elle essaie de se concentrer elle entend des chansons. Comme si un musicien sommeillait en elle, prêt à transformer en numéro de comédie musicale le moindre événement de son quotidien. Impossible d'y échapper, ni au bureau, ni en famille ou entre amis. Mais de quoi ce musicien dans sa tête est-il le symptôme ?

Avec "La Tête Ailleurs", on entre dans un univers décalé: celui d’une femme qui, du jour au lendemain, se met à entendre les pensées des autres… en chansons. Un point de départ original, qui pourrait laisser craindre une mécanique répétitive. Et de fait, les premières minutes suscitent un brin de scepticisme: la fantaisie va-t-elle suffire à tenir tout le spectacle?

Mais sous les airs de comédie musicale légère, un propos plus profond émerge au final, et donne toute sa cohérence à cette proposition. Certaines scènes sont vraiment drôles, portées par des chansons efficaces et un vrai sens du rythme comique.

La comédienne principale, dans le rôle de cette femme un peu paumée, est touchante. À ses côtés, son partenaire de jeu est une véritable pile électrique: il joue de la musique et enchaîne les personnages avec une énergie folle, passant d’un rôle à l’autre avec aisance.

On sort de ce spectacle à la fois surpris et charmé. Sans être un coup de cœur absolu, "La Tête Ailleurs" est une jolie proposition, inventive et pleine de malice, qui devrait également vous émouvoir. 

 

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Gagnant-gagnant

⭐⭐⭐

A la fois parodie de convention d'entreprise (avec un festival de loupés : problèmes techniques, dérapages verbaux, démissions en direct, interventions des syndicats, etc.) mais aussi véritable pièce de théâtre, car les discours se succèdent et créent une vraie histoire.

Bienvenue dans le monde merveilleux de l’entreprise… ou plutôt dans sa version la plus déjantée ! Avec Gagnant-Gagnant, le public est plongé dans une grande convention professionnelle où, très vite, tout dérape: les bugs techniques s'enchaînent tout comme les révélations croustillantes. Une satire enlevée qui fait mouche.

L’auteur de la pièce, également comédien principal, incarne avec brio un loser d’une maladresse sans nom, qu’il pousse jusqu’à l’absurde avec une precision réjouissante. Autour de lui, les autres comédiens, tous très convaincants, endossent plusieurs rôles avec une belle aisance et contribuent à maintenir un rythme soutenu tout au long du spectacle.

Certes, c'est un humour assez classique, mais force est de constater que ça fonctionne: les rires fusent dans la salle, les situations absurdes s’enchaînent sans temps mort, et certains passages sont franchement irrésistibles.

En somme, Gagnant-Gagnant est une comédie efficace, populaire, calibrée pour plaire au plus grand nombre. Une soirée sans prise de tête, parfaite pour ceux qui aiment les parodies bien rythmées et les fous rires en cascade.

 

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Leboncoin du feu

⭐⭐⭐✨

De 2019 à 2024, Camille Daloz va se faire passer pour celui qu’il n’est pas. Où ça ? Sur Leboncoin. Un faux acheteur pour tromper de vrais vendeurs. Un jour, il est un homme. Le lendemain, une femme. Tour à tour pince-sans-rire, vulgaire ou dépressif… tous les profils y passent mais un seul pseudo reste : Pomelopop. Qui donc se cache derrière le masque de cet arnaqueur du dimanche ? Voici la véritable enquête d’une sombre histoire de mensonges.

"Leboncoin du feu" raconte une histoire aussi improbable que vraie: celle du comédien lui-même, qui, pendant plusieurs années, a échappé à la solitude en se faisant passer pour d’autres sur Leboncoin. Une fuite virtuelle qui le mènera beaucoup plus loin qu’il ne l’aurait cru… jusqu’à son arrestation et son procès.

Sur scène, il raconte cette spirale avec une énergie débordante et une folie douce. Le tout est renforcé par un dispositif vidéo judicieusement utilisé: l'écran affiche en temps réel les petites annonces, les messages absurdes, les photos d’objets. Ces éléments donnent une saveur très concrète au récit, et ajoutent au comique tout en ancrant l’histoire dans le réel. Le spectacle est très drôle, mais derrière ces rires, une dimension plus grave se dessine. Car si l’aventure amuse, elle interroge aussi : sur la solitude, le besoin de contact, la tentation de la fiction, et les conséquences parfois inattendues de nos actes. Le spectacle n’élude rien. Il évoque sans détour les "victimes", tout en rappelant qu’elles pouvaient toujours interrompre les échanges. Il ne cherche pas à s’excuser mais à se justifier.

C’est ce mélange d’humour, de lucidité et de vulnérabilité qui rend "Leboncoin du feu" si singulier. On y rit beaucoup, on est parfois mal à l’aise, souvent touché… et surtout, on en sort ébranlé, amusé, et plein de questions. Un seul-en-scène fou, maîtrisé, et étonnamment profond.

 

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Shot, shoot, chut

⭐⭐⭐

Quand L’Ancien, la Nouvelle, la Revenante et le Golgoth se retrouvent piégés au fond d'un trou, métaphore brute et poétique de l’addiction, ils ne savent pas ce qui les attend. Ils se débattent pour s'en sortir, chacun à leur manière. Mais alors qu'ils pensaient être seuls pour affronter la réalité, leur cohabitation forcée va tout bousculer, entre affrontements, situations absurdes, confessions émouvantes et espoir de rédemption.

"Shot, Shoot, Chut" nous enferme dans un huis clos tendu, où quatre personnages s’affrontent autant qu’ils se débattent avec leurs dépendances: alcool, drogue, nourriture, médicaments. La pièce frappe fort. L'écriture est percutante et les comédiens livrent une performance à fleur de peau et sincère. Heureusement, on y trouve quelques respirations, des traits d’humour bienvenus, mais le fond reste sombre.  Ce parti pris radical et assumé ainsi que les propos parfois philosophiques pourraient cependant laisser certains spectateurs à distance. "Shot, Shoot, Chut" interroge et dérange. Il ne cherche pas à plaire, il veut secouer. C’est là sa force, et peut-être sa limite : un spectacle coup de poing, radical, qui bouscule autant qu’il questionne.

 

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Tout contre la terre

Coup de coeur 

❤️❤️❤️❤️❤️

Camille Beaurain raconte au journaliste Antoine Jeandey le parcours de son mari, Augustin, agriculteur dans la Somme : leur rencontre, leur amour, leur travail à la ferme… Mais aussi, le terrible système qui humilie la paysannerie française : les relations avec la grande distribution, la volatilité des prix, les conditions d’emprunt bancaire… Alors que Camille raconte, les souvenirs reviennent, les scènes se jouent, et elle vit de nouveau les évènements qui provoqueront le tragique départ de son mari.

"Tout contre la terre" est un spectacle d’une intensité rare, de ceux qui vous serrent le cœur et vous bouleversent profondément. Sur scène, Camille confie à un journaliste le récit de sa vie aux côtés d’Augustin, son mari, éleveur porcin: leur amour, leur travail, leur combat quotidien… et peu à peu, la descente aux enfers d’un homme broyé par un système agricole inhumain.

Inspiré du roman autobiographique "Tu m’as laissée en vie", ce spectacle met en lumière la souffrance silencieuse de milliers d’agriculteurs. On y découvre les humiliations infligées par la grande distribution, la précarité financière, l’endettement, l’épuisement. Même l’amour, la tendresse, la fidélité indéfectible de Camille ne suffisent plus à enrayer la spirale. Et pourtant, ce n’est jamais pesant. Parce qu’on rit (beaucoup) grâce à la galerie de personnages secondaires hauts en couleur qui apportent de la respiration au drame. Cette alternance parfaite entre émotion et humour rend le propos encore plus percutant et le spectacle d'autant plus remarquable. 

La mise en scène, d’une grande sobriété, est d’une redoutable efficacité : quelques blocs recouverts de paille suffisent à transformer l’espace, à faire naître la ferme, la cuisine ou le bureau de l'assureur. 

C’est aussi, au-delà de l’histoire intime de Camille et Augustin, une critique puissante de notre société de consommation, du cynisme de certains grands groupes agroalimentaires, et du mépris parfois inconscient envers ceux qui nous nourrissent. On sort du spectacle à la fois bouleversé, révolté, et infiniment reconnaissant.

Porté par une distribution d’une justesse remarquable, "Tout contre la terre" est une pépite de ce festival. Un spectacle nécessaire, vibrant d’amour, d’émotion et d’engagement. À ne surtout pas manquer.

 

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Hongaï

⭐⭐⭐

Paris, jeudi 1er mars 1973.
Rose McConaughey a rendez-vous au siège du SDECE (le service de renseignement extérieur de l’armée française) pour son dernier debriefing. Elle revient d’une mission dans le Nord-Vietnam, en plein conflit armé, où elle a pu entrer en contact avec Gustave Duong dit Florence, un agent infiltré au plus près de la Présidence de la République Démocratique du Vietnam depuis près de trente ans. Cet échange intéresse particulièrement le SDECE, car Florence a cessé d’émettre depuis plusieurs années... Florence est-il devenu un traître? Alors qu’elle cherche à comprendre pourquoi l'espion ne répond plus, Rose va être embarquée dans un tourbillon d'histoires qui l'emmèneront sur les traces de son propre passé...

Un film d'espionnage au théâtre, ça vous tente? "Hongai" est une proposition théâtrale audacieuse: un récit d’espionnage sur fond de seconde guerre mondiale, de guerre d’Indochine et de conflit vietnamien. Un sujet rarement abordé sur scène, qui offre ici un mélange de tension politique et d’intrigues personnelles.

On y suit en parallèle les parcours de deux espions, dont les destins finissent par se croiser au fil d’un récit dense, parfois un peu difficile à suivre, mais toujours prenant. Le spectacle exige une certaine attention du spectateur, tant l’histoire est riche et les enjeux multiples. 

Entre manipulations, sacrifices, missions clandestines et trahisons, leurs parcours nous entraînent d’une époque et d'un continent à l’autre. Ce voyage à travers les décennies permet de mieux comprendre les enjeux du présent, sans jamais perdre de vue les drames intimes.

La performance des comédiens est à souligner: ils incarnent tous plusieurs rôles, changeant de voix, d’allure et d’énergie en un clin d'œil.

"Hongai" est donc un spectacle original et intense, qui prouve que le théâtre peut, lui aussi, faire vivre les grandes heures du roman d’espionnage sans effets spéciaux. Petit conseil : entre CIA, KGB et conflits coloniaux, mieux vaut être un peu renseigné pour saisir toutes les subtilités.

 

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Demain, tout le monde aura oublié

⭐⭐⭐⭐

Londres 1888. Dans une ruelle de Whitechapel, une femme est assassinée dans l’anonymat de la nuit. Qui ? Quand ? Pourquoi ? À Scotland Yard, Warren le chef de la Police, peu inquiété par le meurtre d’une prostituée, tarde à ouvrir une enquête alors que la presse s’empare déjà de l’affaire. D’un simple badaud à la reine d’Angleterre, tout le monde veut mettre la main sur celui qui se fait appeler « Jack ». Aux premières loges, derrière les rideaux d’une maison close, un groupe de femmes s’organise : trouver le meurtrier, avant qu’il ne les trouve. Et si pour une fois, les héroïnes de l’histoire, c’étaient elles ?
Inspirée de crimes réels, cette comédie à l’anglaise vous plonge en pleine ère victorienne au cœur du fait divers le plus connu de l’histoire.

"Demain tout le monde aura oublié" est une comédie policière qui, sous des dehors légers, déstabilise et interroge. Si le ton peut d’abord sembler presque potache, le propos, lui, est beaucoup plus profond qu’il n’y paraît.

L’humour repose en grande partie sur le personnage du chef de Scotland Yard, brillamment interprété  par Benjamin Alazraki, hilarant de bout en bout. Ce parti pris n’est pas anodin : il souligne l'impuissance (voire l'aveuglement) des autorités de l'époque. 

Mais ce qui fait toute l'originalité de la pièce, c’est que ce sont les rôles féminins qui apportent le sérieux, l’émotion, la dignité. Ces femmes (invisibilisées parce que femmes, méprisées parce que prostituées) deviennent ici les véritables héroïnes.

Le spectacle s’empare du mythe de Jack l’Éventreur pour en renverser la perspective : ce ne sont plus les crimes qui fascinent, mais les victimes qu’on refuse de voir. Il en résulte une critique fine de la presse sensationnaliste et du voyeurisme collectif, d'ailleurs toujours d'actualité. 

La mise en scène, d’une grande précision, fonctionne comme une mécanique bien huilée. 

Certes, certaines scènes peuvent déstabiliser. Mais cette alternance entre comique et tragique est assumée, et fait toute la richesse de la proposition. "Demain tout le monde aura oublié" n’est pas une comédie comme les autres : c’est une pièce résolument moderne, audacieuse et percutante. Et la scène finale, d’une intensité rare, vient clore le tout avec force.

Un spectacle drôle et très surprenant.

 

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Prélude

⭐⭐⭐

Prélude est l'histoire de la rencontre entre la musique de Romain Dubois et la physicalité des danseurs. La musique, crescendo rythmique et mélodique, nous tient dans une intensité qui devient tension. La virtuosité des danseurs bat à l'unisson avec la musique et l'attention des spectateurs. 

"Prélude" est un spectacle qui impressionne avant tout par l’incroyable performance physique des danseurs. Leur puissance, leur précision et leur endurance forcent l’admiration. Ils occupent l’espace avec une incroyable énergie. Ce sont de véritables performeurs, totalement investis dans ce qu’ils donnent sur scène.

Le travail sur les lumières est également remarquable. Les éclairages accompagnent les corps avec justesse et créent des images fortes, parfois presque hypnotiques. 

Le seul bémol, pour moi, concerne la narration. Le spectacle commence avec le chorégraphe Kader Attou qui raconte une partie de son histoire personnelle, puis laisse complètement la place à ses danseurs dans la seconde moitié. Cette rupture rend le propos un peu flou, et on a du mal à comprendre où l’ensemble veut vraiment nous emmener.

Cela dit, malgré cette réserve sur le fil conducteur, Prélude reste une proposition puissante et très réussie sur le plan physique et visuel. Un beau moment, porté par des artistes impressionnants.

 

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Le procès d'une vie

⭐⭐⭐⭐✨

Eté 1971, Marie-Claire, 16 ans, tombe enceinte. Bien que ce soit un crime puni par la loi, elle ne veut pas garder l'enfant. Elle veut avorter. Solidaire, sa mère, Michèle puis Lucette, Renée et Micheline mettent tout en œuvre pour l'aider. Mais l'avortement clandestin tourne mal... Automne 1972. Toutes les femmes se retrouvent inculpées. Une certaine avocate, Maître Gisèle Halimi, orchestrera ce procès, le procès de Bobigny. Leur courage a écrit la suite de l'Histoire.

"Le Procès d'une vie" est de ces spectacles qu'on n'oublie pas. Parce qu’ils remuent, bousculent, et éclairent une part essentielle de notre histoire collective.

Cette pièce est d’abord un hommage vibrant à Gisèle Halimi, figure incontournable du XXe siècle, aux côtés de Simone Veil ou Simone de Beauvoir. Une femme engagée, qui a fait bouger les lignes et ouvert la voie à un féminisme plus combatif.

Mais elle rend aussi hommage aux victimes du procès de Bobigny. Ce procès emblématique, qui a marqué un tournant décisif dans la lutte pour le droit à l’avortement.

Les comédiennes sont remarquables. Chacune donne chair et voix à son personnage avec une justesse saisissante. Et, comme si le public, constamment en tension, avait besoin de respirations, il s’amuse du personnage interprété par Jeanne Arènes qui, par son talent et son sens du rythme, parvient à faire rire même lorsque le propos est grave.

La mise en scène se distingue notamment par son ouverture immersive, qui surprend et capte immédiatement l’attention.

En résumé, un spectacle à la fois fort, nécessaire et profondément humain, qui réussit le pari de nous émouvoir autant qu’il nous instruit. À voir absolument.

 

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Le toit du monde

⭐⭐⭐⭐

Paris, 1945. Henry Vernot est à la recherche de son frère Antoine, disparu sans laisser de trace. Le seul moyen de le retrouver, c’est de mettre la main sur un tableau, ou plutôt ce qu’il y a à l’intérieur… Victime d’un passé qu’il aimerait oublier, la recherche de son frère va exhumer une vérité honteuse qu’il aurait aimé garder secrète. Paris, 1945. C’est l’histoire d’Antoine et Henry Vernot.

L’un des grands plaisirs du festival d’Avignon, c’est cette possibilité de tomber un peu par hasard sur des petites pépites, souvent dans des lieux plus discrets. On y atterrit parfois après avoir été tracté dans la rue, sur la recommandation d’un voisin de file d’attente, ou parce qu’on reconnaît un comédien aperçu dans un autre spectacle quelques années auparavant. C’est ainsi que je me suis retrouvée un matin à 10h à l’Espace Saint Martial… et que j’ai eu une très belle surprise.

Même si le contexte de la Seconde Guerre mondiale a été maintes fois exploré au théâtre, le traitement proposé ici se distingue par son originalité et sa finesse. Résistance, amour interdit, Vichy, devoir de mémoire: tous les ingrédients étaient réunis pour me captiver. La mise en scène, d’une grande simplicité, fait preuve d’une vraie ingéniosité. Les deux comédiens sont remarquables: Romain Poli, tout en sobriété et intensité, et Malou Gilbert, impressionnant de justesse et de polyvalence, incarnant avec brio une galerie de personnages aux registres très contrastés.

Ce n’est pas un spectacle où l’on rit, mais un spectacle qui bouleverse, qui révolte, et qui tient en haleine du début à la fin. Et puis il y a ce final, que je ne dévoilerai pas, mais qui m’a profondément marquée par sa force et son intensité.

Bref, une vraie belle découverte. Un spectacle que je recommande vivement, aussi poignant que pertinent.

 

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Voyage à Napoli

⭐⭐⭐✨ 

Dans un monde où les liens s’effilochent, Adil et Lulu tentent l’impossible : raviver leur flamme en ouvrant leur relation.

Ce jeu amoureux, d’abord électrisant, fait trembler les fondations de leur histoire commune. Quand un désir imprévu vient bouleverser leurs nouvelles règles, une question brûlante s’impose : peut-on véritablement se réinventer sans se perdre complètement ?

J’ai été agréablement surprise par ce spectacle qui explore avec finesse les méandres de l’amour polyamoureux et les défis qu’il soulève. Cette comédie romantico-dramatique touche autant qu’elle interroge, abordant une thématique à la fois moderne et encore peu traitée au théâtre.

La mise en scène, particulièrement soignée, se distingue par l’utilisation subtile des lumières et l’intégration d’apartés : un choix judicieux qui permet aux personnages de livrer leurs pensées les plus intimes, créant une véritable proximité avec le public.

Les deux comédiens sont remarquables dans des registres très complémentaires : Lina Lamarra déborde d’énergie tandis que Nicolas Taffin brille dans la retenue. Leur duo, à la fois atypique et attachant, fonctionne à merveille. On se prend rapidement d'affection pour ce couple, ce qui est essentiel pour embarquer les spectateurs dans ce genre d'histoires.

Même si l’on pressent les tensions à venir, on reste suspendu à la manière dont ces deux êtres, sincèrement amoureux, vont affronter les obstacles qui se dressent devant eux. Le dénouement, surprenant et convaincant, m’a cependant semblé un peu abrupt : une scène supplémentaire aurait peut-être permis de l’amener de manière plus fluide.

Un spectacle que je recommande sans hésitation aux amateurs du genre, curieux de découvrir une approche sensible et intelligente de l’amour hors des sentiers battus.

 

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On va tous être d'accord... ou pas

⭐⭐⭐✨

J’ai passé un très bon moment devant ce seul-en-scène porté par Marie Bô, qui se livre avec une grande sincérité. Elle y partage son parcours de vie touchant, empreint d’émotion et ponctué d'humour. Au-delà de son récit personnel, elle propose une réflexion très pertinente sur la tendance à vouloir nous enfermer dans des cases, ainsi que sur la difficulté de s’affirmer dans une société qui, bien que plus ouverte à l’homosexualité, reste encore imprégnée de nombreux clichés."

Si certaines personnes déjà bien informées pourraient regretter certains passages un peu didactiques dans le genre "LGBT+ pour les nuls", ils sont pourtant utiles afin que que le spectacle s'adresse au plus grand nombre. 

Le message transmis déborde d’humanité, et est à la fois essentiel et profondément émouvant. La scène finale se distingue par son intensité : elle bouleverse autant qu’elle fait réfléchir. En conclusion, "on va tous être d'accord... ou pas" est un spectacle à la fois engagé, touchant et drôle.

 

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Cléopâtre la reine louve

⭐⭐⭐⭐✨

Cléopâtre – La Reine Louve raconte l’ascension de la jeune et déterminée Cléopâtre, propulsée à la tête de la dynastie des Ptolémées.

Assister à un spectacle d’Éric Bouvron, c’est s’offrir une expérience mémorable, et Cléopâtre, la Reine Louve ne fait pas exception à la règle. Dans la lignée de son sublime Lawrence d’Arabie, le metteur en scène nous embarque cette fois-ci en Égypte ancienne, à la découverte du destin fascinant d’une reine mondialement célèbre, mais dont les véritables contours restent, pour beaucoup, méconnus.

Dès les premières minutes, la mise en scène capte l’attention. D’une beauté sobre et saisissante, elle repose sur un minimalisme poétique : quelques bâtons, des tissus, quelques costumes suffisent à faire naître l'histoire sous nos yeux. Fidèle à son style, Éric Bouvron (à mon avis le metteur en scène le plus talentueux du moment) prouve une fois de plus qu’il sait faire beaucoup avec peu. Les superbes créations lumières subliment les scènes, tandis que la musique, jouée et chantée en live par les musiciens, ajoute une vraie profondeur à l'ensemble.

La troupe, menée par une Charline Freri bouleversante dans le rôle de Cléopâtre, est irréprochable. Tous les comédiens incarnent avec aisance une multitude de personnages, naviguant entre émotion, humour et tension avec une fluidité remarquable.

L’histoire, riche et passionnante, est racontée avec précision, tout en étant ponctuée de traits d'humour parfaitement dosés.

En somme, Cléopâtre, la Reine Louve est un joyau théâtral à ne surtout pas manquer. Une œuvre d’une rare qualité, qui enchante autant qu’elle instruit.

 

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Un mec cool

⭐⭐⭐✨

UN MEC COOL, c’est quelqu’un qui est mieux que nous, donc c’est normal qu’on paye pour le voir.

 

Guillaume Sentou rêve d’être un mec cool, ce type décontracté qu’on admire pour son aisance naturelle et sa confiance en lui. Mais, comme tout artiste digne de ce nom, il est traversé par ses propres doutes. Je l’avais découvert éblouissant dans des rôles comme ceux d’Edmond Rostand ou d’Auguste Maquet, où il mêlait avec brio humour, charisme et justesse. Son interprétation d’Edmond lui avait d’ailleurs valu un Molière du meilleur comédien. Et pourtant, derrière ce talent éclatant, il se sent ordinaire.

De ce constat est né un spectacle en solo, un récit intime et universel, porté par une écriture subtile et une interprétation d’une grande finesse, entre émotion, juste critique de la société et autodérision. C’est un tournant dans sa carrière : longtemps salué en duo ou en troupe, il choisit ici de se confronter seul au regard du public. Comme un défi lancé à lui-même, et qu’il relève haut la main.

Pour ma part, sa seule présence suffisait à me convaincre de venir. Et je n’hésiterai pas une seconde à retourner le voir sur scène. Je n’ai jamais été déçue.

 

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L'heure des assassins

⭐⭐

La réussite est une chose étrange. Voyez-vous, ce soir, je signe mon retour triomphant en Angleterre. Tout le gratin de Londres sera là, pourtant il y aura bien un grand absent.
Moi, Philip Somerset. Vous ne me verrez pas car ce soir, je vais mourir. Oh détrompez-vous, cela ne me fait pas plaisir !
C'était une si belle soirée, j'étais entouré d'amis chers : Katherin ma soeur bien aimée, Hartford mon bras droit, Bram Stoker le directeur du théâtre, Georges Bernard Shaw le dramaturge, Miss Lime mon assistante, Arthur Conan Doyle le célèbre romancier.
Pourtant mon assassin est forcément parmi eux. Alors Qui ? Et si c'était simplement mon heure ?

Malheureusement, cette comédie policière ne m’a pas vraiment convaincue. Le terme de "comédie" me semble d’ailleurs un peu exagéré : les moments drôles sont rares, et les sourires, timides. L’intrigue met beaucoup de temps à se mettre en place, et quand elle décolle enfin, elle manque cruellement d’originalité. Quant aux personnages, ils peinent à susciter l’intérêt ou l’empathie.

Le seul véritable point fort du spectacle réside dans ses rebondissements, parfois inattendus, qui rappellent les mécanismes bien rodés des romans d’Agatha Christie. Cela dit, malgré quelques sursauts d’intérêt, je suis restée assez distante tout au long de la représentation.

Je ne dirais pas que j’ai passé un mauvais moment, mais cette pièce ne laissera clairement pas un souvenir marquant.

 

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Fête des mères

⭐⭐⭐⭐

Louise, ancienne étudiante en Maths Sup reconvertie dans le stand-up, puise dans sa vie personnelle pour alimenter ses sketches. Son humour acerbe a toutefois creusé un fossé entre elle et sa mère, au point qu'elles ne se parlent plus depuis trois ans. En panne d'inspiration, Louise retourne pourtant dans la maison familiale à l'occasion d'un événement symbolique : la Fête des mères. L'occasion de revoir ses frères Gabriel et Ziggy ainsi que leurs conjoint.e.s. Mais alors que tout le monde se retrouve, un élément inattendu vient perturber la réunion : l'absence inexpliquée de la mère.

Difficile à classer, "Fête des mères" surprend autant qu’elle désarçonne. Si les règlements de comptes familiaux sont un thème récurrent au théâtre, c’est ici le ton, résolument absurde et grinçant, qui fait toute la singularité du spectacle. L’humour, souvent acide, joue sur le malaise, autant dans les dialogues que dans les situations, poussant parfois jusqu’au burlesque. Dans ce chaos savamment orchestré, le personnage de Florence se distingue : à la fois hilarant, insupportable, et terriblement humain.

Derrière cette comédie aux accents trash et à l’irrévérence assumée, se cache un message plus profond, voire touchant. Si certains pourront rester hermétiques à ce type d’humour, les amateurs de comédies noires et décalées, eux, y trouveront leur compte… et bien plus encore.

 

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Passeport

⭐⭐⭐⭐

Issa, jeune Érythréen laissé pour mort dans la « jungle » de Calais, a perdu la mémoire. Alors que le seul élément tangible de son passé est son passeport, il entame une longue quête semée d’embûches afin d’obtenir un titre de séjour, entouré de compagnons d’infortune.

J’ai enfin eu le plaisir de découvrir Passeport, et le verdict est sans appel : c’est une pièce remarquable. On y retrouve les ingrédients emblématiques du théâtre d’Alexis Michalik – un rythme soutenu, une mise en scène ingénieuse et un dénouement inattendu. Impossible de décrocher tant le récit regorge de péripéties et que les histoires des personnages, finement entremêlées, captivent et émeuvent.

Ce qui m’a particulièrement frappée, c’est la manière dont l’auteur parvient encore à explorer de nouvelles thématiques tout en conservant ce qui fait la force de son univers. Passeport est sans doute son œuvre la plus engagée à ce jour, mais elle ne verse jamais dans le manifeste militant. Il s’agit avant tout du parcours profondément humain d’un homme en quête de soi, traité avec finesse et sensibilité.

Les comédiens sont excellents, notamment Jean-Louis Garçon, bouleversant dans le rôle d’Issa, et Kevin Razy, qui insuffle une dose d’humour bien dosée et bienvenue. Si le propos est fort, il n’est jamais pesant : la pièce touche par son humanisme bien plus qu’elle ne cherche à faire la leçon.

Une œuvre aboutie, intelligente et profondément humaine que je recommande sans hésiter.

 

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Orgueil et préjugés... ou presque

⭐⭐⭐⭐

"Orgueil et préjugés... ou presque !", l'adaptation décalée et pop du célèbre roman de Jane Austen, arrive enfin à Paris!l Accompagnées d'une musicienne, 5 comédiennes nous racontent avec humour les péripéties des soeurs Bennet, du point de vue des domestiques.

Si vous cherchez un spectacle déjanté, drôle et plein d’énergie pour clore votre soirée, "Orgueil et préjugés... ou presque" est fait pour vous. Cette adaptation est un concentré de folie, portée par une mise en scène rythmée comme un ballet parfaitement orchestré. Il faut saluer la prouesse d’avoir transposé une œuvre aussi riche avec autant d’inventivité.

Sur scène, cinq comédiennes brillantes incarnent tour à tour plusieurs personnages, avec une aisance et une précision remarquables. Difficile de mettre en avant l’une plus que l’autre tant elles sont toutes excellentes, chacune apportant sa touche unique à cet univers burlesque. Mention spéciale également à la musicienne, subtilement intégrée à la mise en scène : bien plus qu’un accompagnement sonore, elle devient un personnage à part entière, contribuant à l’esprit décalé de la pièce. Je ne regrette que les quelques vulgarités qui me semblaient évitables. 

Il n’est pas nécessaire d’avoir lu le roman ou vu ses adaptations pour savourer pleinement le spectacle, même si cela peut ajouter une touche de plaisir supplémentaire en percevant les clins d’œil et les écarts assumés. J’ai énormément ri et ai été particulièrement impressionnée par la fluidité des transitions et la rapidité des changements de costume.

En somme, un véritable bijou d’humour absurde et une performance de haut vol de toute l'équipe à ne manquer sous aucun prétexte !

 

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ADN

⭐⭐⭐⭐

À la suite d’un test ADN, Tomas découvre qu’il n’est pas le père de son bébé, mais son oncle. Seulement, à sa connaissance, il n’a pas de frère. Le jour où sa mère est prête à lui faire des révélations, Tomas la retrouve assassinée.

 

ADN est un spectacle assez unique. Tout d'abord, impossible ne pas commencer une critique de cette pièce sans mettre l'accent sur la prouesse du metteur en scène Sébastien Azzopardi. Car pour parvenir à retranscrire cette histoire sur scène et faire défiler un nombre incalculable de décors de manière si fluide, il faut un allier talent et ingéniosité. La nomination aux Molières dans la catégorie "Meilleure création visuelle et sonore" est totalement méritée et une dans la meilleure mise en scène n'aurait pas été volée.

S'il me paraît important de mettre en lumière la mise en scène, j'ai également beaucoup aimé l'idée du spectacle. C'est d'ailleurs la première raison pour laquelle je suis allée voir cette pièce, car les thrillers au théâtre sont assez rares. Inspirée de faits réels mais largement romancée, cette histoire incroyable tient les spectateurs en haleine de la première à la dernière seconde. Le final est même totalement inattendu et j'ai été scotchée par la beauté de la dernière scène, que je ne révélerait évidemment pas. 

Enfin, j'ai eu la bonne surprise d'assister à un spectacle drôle et immersif. Comme dans "Dernier coup de ciseaux", Azzopardi a pris un malin plaisir à intégrer par petites touches le public qui ne demande que ça. J'ai beaucoup ri et je trouve judicieux d'avoir pris le parti de dédramatiser le propos avec une écriture parfois plus légère. 

En résumé, ADN est un spectacle surprenant, intense, haletant et très amusant lors duquel le spectateur va de surprise en surprise et se laisse embarquer dans cette folle histoire avec un immense plaisir.

 

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C'est pas facile d'être heureux quand on va mal

⭐⭐⭐⭐✨

Nora et Jonathan sont en couple depuis  bien trop longtemps. Et c’est nul. Maxime  quant à lui fait des partouzes pour  rencontrer l’homme de sa vie. Et c’est nul  aussi. Timothée lui, pense qu’il est  heureux, alors que sa vie est nulle. Jeanne  a une vie bien nulle, mais par contre elle  le sait.

Le titre et le pitch du spectacle étaient prometteurs et le fait qu'il ait été récompensée par deux Molières (meilleure comédie et meilleur auteur) l'an dernier m'a poussé à dépasser mes à prioris sur les comédies. Quelle bonne idée! J'ai trouvé l'écriture excellente avec, comble du bonheur pour moi, une petite pointe d'humour noir bien sentie. Les personnages, névrosés et caricaturaux à souhait, sont au mieux agaçants, au pire odieux. On peut donc les détester sans aucun remords et c'est un vrai exutoire. Mais pour jouer ce genre de personnages, il faut des comédiens à la hauteur. Le casting est parfait! Impossible pour moi d'en ressortir un du lot tant ils sont chacun brillants dans leur interprétation. Un immense bravo à eux et à l'auteur.

 

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La fin du début

⭐⭐⭐⭐

Avec La fin du début, le comédien Solal Bouloudnine nous plonge dans l’univers d’un enfant des années 90 qui réalise, comme tous les enfants avant et après lui, que tout a une fin, à commencer par la vie. Nous traversons avec lui une vie marquée par l’angoisse de la fin, dans une comédie touchante et vertigineuse.

Quelle performance! "La fin du début", c'est le genre de spectacles qu'il est très difficile d'expliquer mais qui ne laissera personne indifférent. Certains riront du début à la fin de l'enchaînement de scènes tantôt absurdes, tantôt teintées d'humour noir. D'autres passeront probablement totalement à côté et seront perdus face au côté complètement barré de l'ensemble, aussi bordélique que le plateau en début et en fin de spectacle. Cependant, il est indéniable que Solal Bouloudnine, à la fois comédien et co-auteur, donne de sa personne et est pétri de talent. Il campe une série de personnages tous plus déjantés les uns des autres avec une facilité et une énergie que les plus grands humoristes lui envieraient.  Personnellement j'ai énormément ri, autant des blagues et des jeux de mots volontairement très mauvais que de l'absurdité de certaines situations. Et que dire de ce décor qui, pour un enfant des années 90, est plein de références et de jouets rétro qui nous rappellent notre jeunesse (mention spéciale pour le petit sticker 3615 ULLA bien caché). Le tout est agrémenté de quelques chansons et anecdotes sur la vie de Michel Berger, musicien profondément lié au comédien par un hasard malheureux. 

Ce spectacle est, de plus, bien plus profond qu'il n'y paraît et mène une vraie réflexion philosophique sur des questions telles que la maladie ou la mort. En tous cas, c'est un seul en scène extrêmement original que je recommande à ceux qui n'ont pas peur d'être décontenancés au théâtre.

 

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Le barbier de Séville

⭐⭐⭐⭐

À Séville, au début du XIXe siècle, Rosine, une jeune fille orpheline, est retenue captive par son tuteur, le docteur Bartholo, épaulé par son cupide bras droit Basile. Promise à un mariage forcé à ses 18 ans, elle tombe amoureuse d’un mystérieux amant qui la courtise en secret. Ce n’est autre que le comte Almaviva qui, aidé de son ancien valet, le malicieux Barbier Figaro, va tenter de la délivrer…

J'ai été très agréablement surprise par cette adaptation pourtant très classique du Barbier de Séville. Ce qui m'a fait énormément rire dans cette comédie ce n'est pas tant le texte (on est très proche des bonnes pièces de Molière, sans réelle surprise dans l'histoire) mais plutôt l'excellente interprétation des comédiens ainsi que toutes les petites trouvailles de mise en scène très astucieuses et toujours très drôles. Même si ce n'est pas ce que je préfère dans le théâtre, je trouve important que les textes de nos grands auteurs ne tombent pas dans l'oubli et il est indispensable de les faire découvrir et aimer à tous. Ce défi de taille est relevé haut la main par la troupe des Modits. Ce spectacle plaira à la fois aux amoureux du théâtre classique mais aussi aux néophytes et aux enfants qui seront amusés, en particulier par le rôle de l'odieux docteur Bartholo magistralement interprété par Michaël Giorno-Cohen (que j'avais déjà énormément apprécié dans "Le Revizor"). Les autres comédiens ne sont pas en reste et nous livrent une performance pleine d'énergie, que ce soit Oscar Voisin (qui interprète le fantasque Figaro), Victor O'Byrne (l'amoureux transi prêt à tous les subterfuges pour atteindre sa bien aimée), ou Alexis Rocamora (tellement parfait dans son rôle de l'antipathique Basile). Je tiens également à féliciter Justine Vultaggio qui non seulement est très convaincante dans son rôle de Rosine mais qui signe également la mise en scène que j'ai trouvée très intéressante. Il y a quelques années j'avais acheté un album qui s'intitulait "j'aime pas le classique mais ça j'aime bien", voilà qui résumait parfaitement mon état d'esprit à la sortie de cette pièce. Un immense bravo à la troupe

 

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